Cinéma

À l’ombre des filles – Miroir, miroir

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Au cœur d’un monde fantasmé mais peu connu en réalité, les centres pénitentiaires féminins font l’objet de nombreuses interrogations. Qui sont-elles ? Comment en sont-elles arrivées là ? Nous sommes pour la plupart très curieux. Etienne Comar nous propose une immersion peut-être plus intimiste et personnelle sous certains aspects que des séries comme Orange is the new black ne peuvent le faire. Dans ce long-métrage, les femmes ne sont pas définies par leur crime. Elles sont mises en avant comme les êtres humains qu’elles sont : des êtres sensibles, curieux, joyeux, en colère et parfois … torturés.

Luc est un chanteur lyrique qui, à première vue, cherche à donner un sens à sa vie et à se « rendre utile ». À cet égard, il décide d’animer une chorale au sein d’un centre de détention pour femmes.  Assez insouciant à l’idée de se confronter à ces femmes en colère et aux tempéraments parfois difficiles, Luc ne cherche ni à les impressionner, ni à savoir ce qu’elles font ici. On a presque l’impression qu’il n’a pas conscience de l’endroit où il met les pieds, ou bien que cela ne l’importe pas. Dès les premières scènes, Luc brise donc les barreaux qui séparent ordinairement ces femmes du monde extérieur qu’il incarne. Un premier élan de liberté se crée. Et puis, on part progressivement à la rencontre des élèves qui ont décidé de suivre les cours de chant. Parfois timides, parfois provocantes, parfois agressives et parfois très douces, chacune a son histoire et sa personnalité. Alors qu’elles sont dans un premier temps pour la plupart toutes réticentes à l’idée de voir un « intrus » – qui plus est un homme – pénétrer l’intimité de leurs cellules, les prisonnières se détendent peu à peu et adoptent progressivement le chanteur lyrique.

Évidemment, les cours de chant ne sont pas de tout repos. Il est quand même bien tentant de se moquer de ce chanteur un peu précieux aux longs cheveux blonds. Si ce ne sont pas les moqueries qui fusent, alors ce sont des critiques à l’égard des intentions de Luc qui se multiplient. Que fait-il ici ? Quelles sont ses intentions ? S’il est là uniquement pour se donner bonne conscience, ce n’est pas ce dont elles ont besoin. En effet, leurs désirs et leurs aspirations dépassent largement le sentiment de pitié que n’importe quelle personne qui les rencontre peut éprouver à leur égard. Elles veulent se rapprocher du réel, de leur famille parfois, elles souhaitent également améliorer leurs conditions de détention. Enfin, ce qu’elles semblent désirer plus que tout, c’est la reconnaissance par les autres de leur condition humaine, ce qui est facilité pour le spectateur dans la mesure où on ne sait pas ce dont elles sont coupables. La chorale permet en partie aux détenues de montrer de quoi elles sont capables : non seulement de chanter mais aussi de s’intéresser à des choses, d’apprendre, d’échanger. C’est une démonstration d’inclusion possible à la société « du dehors ».

Le film est original en ce que l’une des premières choses à laquelle on s’intéresse est la raison pour laquelle les prisonnières sont ici. Or, Etienne Comar fait le choix audacieux de ne pas nous le révéler, ce qui est surprenant et déroutant mais réoriente finalement notre attention sur d’autres sujets sans doute plus intéressants. Plus encore, au-delà du traitement innovant et inédit du sujet des prisons pour femmes, le film prend une dimension psychologique voire philosophique en liant étroitement Luc à l’une des détenues. Par ce lien – dont vous découvrirez la nature en vous rendant en salles – le film prend une nouvelle allure. Il ne se résume pas à une énième tentative, bien qu’assez originale cette fois, d’immersion dans des centres de détention pour femmes. Il nous amène à nous interroger sur la psychologie des criminels…  On découvrira peu à peu que Luc n’est peut-être pas là par hasard et qu’il entre progressivement dans une quête personnelle au fil des rencontres qu’il fait et des cours qu’il donne.

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