Articles

Connaissez-vous Kieślowski ?

0

Krzysztof Kieślowski nous a quitté il y a près de vingt-cinq ans mais il reste un des cinéastes majeurs de la fin du XXème siècle et se trouve être, indubitablement, un des réalisateurs polonais qui s’est le mieux exporté. Formé à l’école du cinéma de Łódź comme Roman Polanski ou Andrzej Wajda, il acquérera une reconnaissance internationale à la fin des années 1980.

La musique :

Krzysztof Kieślowski a une relation très étroite avec la musique. Tout d’abord, plusieurs de ses personnages principaux sont musiciens. C’est ainsi que dans La Double Vie de Véronique, Wéronika, le double polonais de Véronique, est cantatrice et est douée d’un talent extraordinaire pour le chant. Mais l’exemple de Bleu est peut-être encore plus intéressant car ce film met en scène la femme d’un compositeur de musique, décédé lors d’un accident de la route, qui doit finir l’œuvre de son mari. Il plane sur le film l’ombre du doute concernant la paternité de l’œuvre du mari et on peut légitimement penser que Julie de Courcy, interprétée avec passion par Juliette Binoche, est l’auteure de l’œuvre de son mari, et ne fait que continuer son travail en la finissant.

Au niveau purement cinématographique, c’est par sa collaboration avec Zbigniew Preisner que Kieślowski se détache. Comme d’autres réalisateurs il a son compositeur fétiche, avec qui il collaborera à partir du film Sans fin sur tous ses longs-métrages. La musique de Zbigniew Preisner sait se servir tant de l’orgue que du silence pour transmettre une atmosphère propre à chaque film afin que le spectateur soit totalement immergé dans le film. La relation entre Kieślowski et son compositeur favori est également très particulière car ils se sont servis du nom  imaginaire de Van den Bunmayer pour créditer le travail de Zbigniew Preisner sur trois films issus de leurs collaboration. Cette entreprise peu anodine n’a pas pour volonté d’occulter le travail de Preisner mais bien de témoigner l’admiration du duo pour les Pays-Bas et sa musique.

L’homme :

Kieślowski est également éminemment intéressé par l’homme et le place au cœur de son œuvre. C’est en premier lieu par son entreprise la plus saluée à l’internationale, Le Décalogue, que l’on perçoit cet intérêt. Dans cette suite de dix moyens-métrages qu’il réalise, il met en valeur les Dix Commandements de la Bible sans pour autant s’y restreindre et en faire le propos unique du film réalisé. Il aime aussi montrer sans jugement les vices des hommes comme il le fait sans ambiguité dans Brève histoire d’amour avec le jeune homme et dans Rouge avec le juge à la retraite. Si ces pratiques ne sont certainement pas à son goût, il ne pense pas que l’être qui agit mal est perdu pour lui-même et pour la société. C’est très visible dans Tu ne tueras point. Il réutilise ici un des commandements de la Bible, et des prises de vue de son Décalogue, pour réaliser un pamphlet contre la peine de mort. Il s’oppose dans ce long-métrage très fermement à cette condamnation et pense que tout homme a droit à la rédemption, selon sa conception judéo-chrétienne, et ne souhaite pas voir cette possibilité annihilée par la peine capitale.

La France et la Pologne :

Kieślowski a la particularité de présenter une dualité entre la France et la Pologne dans ses films. D’origine polonaise, son cinéma s’est exporté, notamment en France, et il lui rend hommage dans certains de ses longs-métrages, à commencer par la trilogie des Trois Couleurs composée de Bleu, Blanc et Rouge, qui reprend les couleurs du drapeau français. C’est ainsi que dans Blanc, le personnage de Karol Karol, incarné très justement par Zbigniew Zamahowski, n’arrive pas à vivre en France et s’en trouve chassé par la force des choses, alors qu’il arrive à se reconstruire en Pologne et à bâtir un empire immobilier. Mais, cette dualité est encore certainement mieux mise en scène dans La Double Vie de Véronique, où deux personnes ont la même apparence et les mêmes caractéristiques physiologiques alors qu’elles vivent pour l’une en Pologne et pour l’autre en France. Ces deux femmes incarnent de fait les deux facettes de la dualité que Kieślowski aime mettre en scène dans son œuvre.

Kieślowski est loin de dénigrer l’Est ou l’Ouest, il est plus complentatif que critique quand il souligne les différences entres les Blocs, debouts ou abattus. Dans les deux cas, des différences existent mais n’empêchent pas, à l’homme de volonté, de se réaliser.

 

La trilogie des Trois Couleurs (Bleu, Blanc, Rouge) est disponible sur Netflix et sur Mubi.

La Double Vie de Véronique et Brève Histoire d’Amour sont disponibles sur Mubi.

Mathieu Bonnet
Rédacteur en chef de la Cinemat'HEC pour l'année 2020-2021.

    Le « Night Shyamalan Universe » : une alternative crédible dans un paysage super-héroïque aseptisé ?

    Previous article

    Sur le chemin de la rédemption : l’ineffable désespoir du dévot moderne

    Next article

    Comments

    Comments are closed.

    Login/Sign up