Cinéma

L’Empereur de Paris : Vidocq règne sur sa ville mais pas entièrement sur le spectateur…

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Sans être le renouveau du film de genre que nous présentent ses producteurs et malgré quelques faiblesses d’écriture, le film constitue un divertissement honnête et entraînant en même temps qu’une plongée dans la capitale de l’époque.

Paris, premières années du règne de l’Empereur Napoléon. Évadé multirécidiviste, Vidocq s’est constitué une solide réputation aussi bien parmi la pègre que chez les représentants de la loi. Après avoir une énième fois échappé à la justice, notre héros espère pouvoir se ranger ; mais il est rattrapé par son passé en la personne d’anciens compagnons de bagne. Afin de pouvoir à la fois se racheter aux yeux de la justice et couper les ponts avec les criminels qu’il abhorre, il propose ses services au directeur de la sûreté de Paris : personne n’est plus à même de lutter contre le crime que celui qui l’a côtoyé au plus près.

Le légendaire Vidocq trouve ici en Vincent Cassel une nouvelle incarnation, après de nombreuses interprétations romanesques, télévisuelles et cinématographiques. Le charisme de l’interprète séduit et emporte le spectateur ; et ce même si, comme la plupart les personnages du film, sa personnalité est peu développée. Son sentiment d’injustice né du double rejet qu’il subit à la fois de la part des honnêtes gens et des criminels est intéressant, mais constitue presque le seul enjeu psychologique du film – avec la déchéance de la noblesse, l’ambiguïté de l’amitié et la condition sociale, rapidement survolées. Et les confrontations de personnages souffrent parfois de dialogues inégaux, qui oscillent entre grandiloquence mal assumée et échanges trop simples. Reste qu’ils vont souvent droit au but et permettent de faire avancer l’intrigue, et que le casting de qualité parvient tout de même à convaincre : Freya Mavor, fille des rues plus noble que certaines baronnes, Patrick Chesnais, fat et ambitieux, Denis Menochet, stoïque mais émouvant.

Et l’on ne va pas forcément voir L’Empereur de Paris pour son analyse psychologique ; car le spectacle qu’il constitue, lui, est saisissant. La réalisation et l’image savent tirer profit de la reconstitution des décors et des costumes pour offrir au spectateur une immersion dans un Paris qu’on découvre des pavés jusqu’aux toits. Quoi de mieux qu’un plan séquence partant du plus près du personnage et finissant par une vue panoramique de la ville pour cela ? Les combats sont dynamiques, bien que parfois répétitifs, et la pluie de coups qui rythme le film marque aussi bien la cadence que sa musique. S’approchant même parfois du grandiose sans trop sombrer dans le ridicule de l’épique et de la démesure, le film assume son ambition. Pas de subtilité, mais une recherche de l’image qui marque : alternances de plans larges et serrés, grandes manœuvres et portraits, scènes dans l’océan, la pluie ou le feu captivent le regard.

On pourra savourer les name dropping et caméos de figures historiques. Ils parcourent le film comme autant de références permettant de situer l’action dans le temps et l’espace, et d’insister sur sa spécificité française tout en restant concentré sur l’action principale.

Le plus grand reproche qu’on peut lui adresser est d’avoir à de trop nombreuses reprises cédé à la facilité du cliché, voire du poncif. Dans les dialogues, dans les schémas narratifs, dans l’écriture des personnages surtout. Donner à un acteur comme Denis Lavant un rôle aussi stéréotypé que celui du méchant qui tue son homme de main venu lui annoncer une mauvaise nouvelle avant de partir d’un éclat de rire sardonique relève presque de l’insulte, envers l’acteur et son talent, aussi bien qu’envers le projet. Lorsqu’on se targue de produire une œuvre française originale, on peut se passer de codes hollywoodiens des plus éculés. Les autres schémas traditionnels sont exploités avec un peu plus d’habileté : recrutement des héros, trahisons, duel final, etc. : on sait à quoi s’attendre, mais l’on n’est pas déçu.

L’Empereur de Paris n’est donc pas un incontournable, et pour être une démonstration de force, il aurait fallu un scénario faisant preuve de plus d’originalité. Mais il remplit très honnêtement son contrat et ce en étant parfois assez éblouissant à l’image. Il montre qu’un film français peut avoir de l’ambition, et que les talents techniques et artistiques d’aujourd’hui peuvent tirer de son histoire, de ses mythes et de sa ville d’hier un divertissement qui soit à la fois beau et prenant.

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