Cinéma

Matthias et Maxime : deux amis qui sont aussi des amoureux

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Dans Matthias et Maxime, Xavier Dolan choisit de renouer, après l’expérience anglo-saxonne de Ma vie avec John F. Donovan, avec des thématiques qui lui sont chères. Le film développe les relations d’un groupe de jeunes québécois pour le moins authentiques, au sein duquel deux amis, Matthias et Maxime, se découvrent une attirance l’un pour l’autre. En outre, il explore sous un angle toujours très conflictuel les relations mère-fils. C’est sans conteste une réussite, une histoire bien menée après le catalogue de Proust désordonné qu’évoquait son dernier film, où le cinéaste s’était un peu perdu.

Dolan nous plonge dès les premières minutes dans le cercle intime d’un groupe d’amis, où se succèdent les échanges complices, les vannes, les anecdotes, et les cigarettes, pour ne citer qu’elles. On y découvre Matthias, jeune homme séduisant qui apprécie de reprendre les autres au sujet de leurs fautes de français. Maxime, incarné par Dolan, le visage à moitié voilé par une mystérieuse tâche de vin, semble se fondre sans difficulté aucune dans ce premier tableau intime et accueillant, et c’est là quelque chose d’inédit. Mais à l’issue de cette séquence, et d’un pari a priori sans importance, toute la trame dramatique du long métrage va s’établir. Les deux personnages centraux vont tourner une scène de baiser pour leur insupportable, mais tout de même très drôle amie, Rivette, une jeune étudiante en cinéma (rien à voir avec Jacques donc). Cette scène va semer le trouble dans les relations de groupe, mais surtout entre nos deux héros éponymes. C’est, en particulier dans le cas de Matthias, un véritable questionnement existentiel qui nait de cette scène, d’ailleurs toujours dissimulée au spectateur, tout au plus suggérée plus tard dans le film par le reflet flou d’une vitre lors d’un visionnage.

La force du film réside dans sa capacité à créer une tension dramatique par la suggestion et la retenue, préférée dans ce nouveau long métrage à l’expression débridée des films précédents. La mise en scène est toujours remarquable, jalonnée de tableaux et de changements de cadres que le cinéaste, somme toute, apprécie véritablement. Mais surtout, Xavier Dolan filme avec une grande justesse les rapports intimes et complexes de ce groupe d’amis où chaque personnage est attachant et ne sonne jamais creux. La caméra à l’épaule nous plonge dans la synergie de cette bande, où les répliques fusent et les protagonistes inviteraient presque le spectateur à se joindre à eux. Les scènes, particulièrement longues, témoignent une nouvelle fois de la virtuosité du réalisateur dans la direction de ses acteurs. Elle est remarquable dans la rythmique des dialogues, halo linguistique franco-québécois surréaliste. Cela dit, la dernière œuvre de Dolan n’est-elle qu’un nouveau premier film, où s’entremêlent les problématiques d’identité tant sociale que sexuelle, les rapports mère-fils chaotiques sur fond d’élément narratifs et visuels devenus chroniques ?

Pas vraiment. Le cinéaste ne réalise pas qu’un simple étalage de ses lubies, en usant des mêmes ressorts dramatiques, au contraire. Ce n’est sans doute pas un hasard si Anne Dorval, l’actrice fétiche de Dolan, le visage marqué et enlaidi, fait presque figure de fantôme casse-pied et tenace, vestige d’œuvres que le réalisateur souhaite transformer et dépasser. Qui plus est, le film est, dans son langage et son propos, sensiblement différent des autres. Mommy était l’expression passionnée-même, quasi hystérique de l’amour et de la psychose. Dans Juste la fin du monde, le spectateur suffoquait presque sous le poids de l’indicible, en l’occurrence l’annonce impossible de la mort. Matthias et Maxime, eux, semblent être finalement dans une sorte de retenue pudique. L’un tente de réprimer ses interrogations et ses doutes, son attirance pour son ami, l’autre tente en vain de s’exclure d’un milieu où il est, en fait, parfaitement accepté. Les personnages sont plus réfléchis et moins débridés, l’expression est moins extravertie sans être étouffée. En outre, les personnages n’ont qu’un choix à faire, celui de s’accepter tels qu’ils sont, leur seul frein étant leurs propres considérations. Matthias et Maxime est donc un très bon film, qui ne saurait déplaire aux amateurs de la filmographie de Dolan.

Matthias et Maxime, de Xavier Dolan. Avec Gabriel D’Almeida Freitas, Xavier DOlan, Anne Dorval. Sorti le 16 octobre 2019.

 

 

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