« Tu préfères avoir les bras en marshmallow de telle sorte que tu ne peux rien faire avec ou bien avoir 19 tétons… ? ». Voilà les questions existentielles que semble se poser Cassandre. Sa réalité est en fait bien plus profonde, douloureuse et touchante. Julie Coustre et Emmanuel Marre collaborent une nouvelle fois et co-réalisent une œuvre qui met à l’honneur les jeunes qui vivent un mal-être certain en silence.
Rien à foutre, c’est l’histoire d’une jeune hôtesse de l’air qui d’abord et avant tout cherche, en autonomie totale, à donner du sens à son existence. N’attendez pas de performance technique spectaculaire, Rien à foutre raconte l’histoire banale d’une jeune femme banale, dépeinte en tout humilité. Mais il raconte cette histoire avec une intimité telle qu’on a le sentiment d’y pénétrer.
Adèle Exarchopoulos interprète brillamment et avec un naturel déconcertant le rôle d’une jeune femme écorchée vive, et pourtant si humble et simple : Cassandre. Elle est caractérisée, à mon sens, par une ambition et un optimisme sans limite. On ressent sa peine et ses désillusions mais on observe qu’elle ne montre jamais à quel point elle est touchée par tel ou tel événement. Elle ne perd pas de vue ses objectifs malgré les obstacles qu’elle rencontre.
Deux thématiques bien distinctes sont traitées : d’une part le malaise dans la vie d’une jeune femme déconsidérée, sans repères clairs et profondément blessée par la vie. D’autre part, l’histoire d’une enfant qui a perdu sa mère et qui cherche à faire son deuil d’une manière ou d’une autre.
Le cadre familial de Cassandre en dit long sur les insécurités qu’elle porte. Par exemple, son père ne voit pas ou plutôt ne veut pas voir les évolutions de la carrière de sa fille. En réalité, lui-même apparaît un peu « à côté de la plaque » et désorienté (très sûrement parce qu’il a également perdu tout repère suite au décès de sa femme).
Que ce soit dans sa vie professionnelle ou personnelle, Cassandre montre une détermination déroutante à devenir toujours meilleure. Une des scènes marquantes selon moi est celle de l’entretien d’embauche de Cassandre pour devenir hôtesse de l’air à Dubaï. Face à un employeur exécrable, intrusif et ouvertement sexiste, elle reste de marbre, continue à faire bonne figure et à répondre plus que poliment à des questions plus que malvenues. Elle fait preuve d’une docilité réellement déroutante, presque dérangeante ici. Oui, elle n’en a « rien à foutre ». Je me suis demandée ce que j’aurais fait dans sa situation. Très vite, j’ai compris qu’une réalité affligeante était dénoncée très simplement et encore une fois avec beaucoup de retenue et de timidité. La réaction de Cassandre est-elle innocente ? maladroite ? naïve ? Quoiqu’il en soit, elle est celle de nombreuses jeunes femmes qui doivent faire semblant de croire que c’est normal qu’on leur demande si elles ont un conjoint ou si elles comptent avoir des enfants dans un futur proche lors d’un entretien d’embauche.
Rien à foutre ne cherche pas à susciter la pitié des spectateurs et Cassandre ne cherche aucunement à être plainte par ceux qui l’entourent, au contraire. Le film dépeint la réalité d’une grande majorité de jeunes femmes et hommes qui, d’une manière ou d’une autre, ont perdu des repères et se retrouvent « paumés ». Voilà comment le personnage interprété par Adèle nous est présenté : une jeune femme qui se revendique insensible, et qui pourtant porte en elle une immense sensibilité. Elle n’exprime pas sa tristesse, celle-ci est transmise au spectateur de manière très touchante et réservée.
La trame du film est résumée par son titre : « Rien à foutre ». Cassandre dit, en tant qu’hôtesse de l’air, ne s’attacher à rien ni personne : elle voyage, fait des rencontres, vit de beaux moments et puis passe à autre chose quand elle doit rentrer. Voilà toute la réalité d’une femme qui a décidé de ne pas laisser sa vie être dictée par ses émotions. Elle n’attend rien des autres : ni leur soutien, ni leur approbation.
Alors, si vous voulez voir une Adèle Exarchopoulos plus douce et authentique que jamais vivre la vie turbulente (jeu de mots parce qu’elle est hôtesse de l’air) de Cassandre, je vous recommande Rien à foutre.
Comments