Cinéma

Sin City : La beauté du vice

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“I hold her close until she’s gone. I’ll never know what she was running from. I’ll cash her check in the morning.”

Josh Hartnett qui s’avance vers une femme appuyée au balcon. Il lui propose une cigarette dans la plus grande des classes sur une musique jazzy, le tout dans une ambiance visuelle et sonore qui rappelle les films noirs des années 40. Un somptueux mix de noir et blanc entrecoupé d’images héritées de la bande dessinée. La robe rouge de la femme qui ressort dans ce crépuscule au sommet d’un gratte-ciel qui semble se situer dans une ville rongée par la pègre.

La scène d’introduction de Sin City semble résumer à elle seule ce film rocambolesque. Il n’y a pas à dire, c’est un style particulier. On aime ou on n’aime pas. Loin des films consensuels à l’instar de Danse avec les Loups ou La leçon de piano, là on est face à quelque chose de clivant.

Je tiens d’abord à m’étaler sur le style Rodriguez revu à la sauce Bande Dessinée qui donne quelque chose de tout à fait explosif. Le film a été tourné en noir et blanc, puis retouché en numérique. Cela donne donc une profondeur et une noirceur omniprésente lors du visionnage. Tout est gris, blanc, noir avec des jeux de teintes, à l’exception de certains ilots de beauté ou de dégoût. En effet, certains objets ou personnages apparaissent en couleurs dans le film. Je pense surtout à Goldie, la prostituée qualifiée d’ « ange » par Mickey Rourke, qui a une robe rouge pétant, un rouge à lèvres rouge également qui tranche avec le blond de ses cheveux bouclés. Je pense également à la prostituée qui se fait harceler par Benicio Del Toro, petite fille qui paraît sans défense mais ses yeux bleus scintillant contrastent avec le noir de ses cheveux ainsi qu’avec l’obscurité ambiante du film. Enfin, je pense surtout au fils du sénateur, monstre pervers de qui émane une couleur jaune repoussante. Ce jeu de couleurs est parfaitement maîtrisé et guide le spectateur, lui montre ce qui beau, ce qui est laid ou ce que Robert Rodriguez veut nous faire voir.

On retrouve le style complètement délirant, western et rock n’roll de Rodriguez. Tous les hommes sont des brutes alcooliques. Toutes les femmes ont des physiques de pornstars. Les méchants sont souvent des politiciens corrompus qui ont un ranch ou bien des hommes d’églises peu recommandables. A travers Sin City on ressent ces ambiances dignes de Machete, Une nuit en enfer ou Planète Terreur.

Chez Robert Rodriguez, l’ambiance est également poisseuse et violente. Mais bizarrement on la subit moins que chez un Sam Peckinpah ou un David Cronenberg. Pourquoi ? Pour deux raisons à mon avis. Premièrement car il y a une touche de second degré dans son cinéma qui nous fait parfois prendre cette violence à la légère. Ce second degré se ressent chez les personnages, dans leurs rapports aux meurtres ou à l’horreur qui les entoure. De plus, et particulièrement dans Sin City, il y a des justiciers, des personnages bons et raisonnés. Rodriguez nous fait sentir que la balance va se rééquilibrer, que les méchants vont payer grâce à l’action de quelques bienfaiteurs tombés du ciel.

Ces personnages sont typiquement au nombre de trois dans Sin City : Bruce Willis, flic vieillissant et malade qui décide de contourner la corruption et le système en s’attaquant directement à un assassin pédophile protégé par le pouvoir. Mickey Rourke, immense brute qui décide de traquer les puissants criminels qui ont assassiné une prostituée dont il s’était épris. Clive Owen, brun ténébreux qui prend la défense des prostitués de la vieille ville de Sin City.

C’est ce combo qui rend ce film complètement délirant et addictif : on nous présente Sin City comme une Babylone infecte au sein de laquelle les viols et les crimes sont monnaie courante, la police et la classe politique sont totalement véreuses… Mais à cela on oppose des personnages qui décident de ne plus jouer par les règles établies et de régler leurs problèmes comme ils savent le faire, en tuant et en massacrant. Cela apporte une forme de justice et d’espoir dans ce bas monde et c’est précisément cela qui est jouissif lors du visionnage.

Pour couronner le tout, des acteurs d’anthologie participent au génie de ce film, que ce soit Rutger Hauer, Bruce Willis, Elija Woods, Mickey Rourke… Aux amateurs de films d’actions, aux connaisseurs de Tarantino, aux fans de bandes dessinées ou tout simplement aux cinéphiles, ce film est pour vous. Pour le dire simplement, c’est deux heures de kiff. 

 “An old man dies, a young girl lives, fair trade.”

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