CinémaCritiques

K-Shop : la vengeance est un plat qui se cuit à la broche

0

Genre mésestimé et souvent peu mis en avant par les désormais toutes puissantes plateformes de streaming – à l’exception de plus confidentielles à l’instar de Shadowz – la série B d’horreur reste pourtant un générateur de moments plus ou moins jouissifs pour les spectateurs les plus intrépides qui osent s’y aventurer. Le thriller horrifique de Dan Pringle, K-Shop, sorti en 2016 et nommé dans plusieurs catégories aux British Independent Film Awards de la même année, rentre dans cette catégorie. Porté par une idée audacieuse et une mise en scène à l’identité forte, le long-métrage est sans doute destiné à rester un film de niche, pas forcément très subtil, mais agréable pour les amateurs du genre.

Salah, étudiant modèle en passe de rendre son mémoire, décide de quitter Londres et de venir prêter main forte à son père en mauvaise santé, qui a de plus en plus de mal à gérer son kebab. Le restaurant est situé dans une ville côtière du sud de l’Angleterre, prisée des fêtards venus décompresser après le travail. L’alcool y coule à flots et la violence qui s’ensuit affecte inévitablement le commerce du père de Salah, victime par ailleurs d’un racisme dégoûtant de la part de clients ivres. Tout dérape le jour où il refuse d’ouvrir à des individus insistants, prêts à tout pour un bout de viande. Sous l’emprise de la bouteille, ces derniers vont s’en prendre physiquement à lui, et dans un accès de colère, le pousser dans une chute qui lui sera fatale. Endeuillé, et alors que les factures impayées le conduisent inexorablement vers la pénurie de viande et de frites, Salah va se disputer avec un client récalcitrant et, involontairement, va découvrir la solution à tous ses maux…

Contrairement aux idées reçues, le genre horrifique est un formidable moyen de délivrer un message à connotation politique ou sociétal. Et K-Shop en témoigne parfaitement, jusqu’à verser dans une caricature peut-être exagérée. Mais l’œuvre du cinéaste britannique a tout du moins le mérite de rendre compte de problèmes profonds incrustés dans la société du pays. Rongés par l’alcoolisme, par une perversité crasse ou par le racisme, les fêtards de la ville sont ici dépeints comme d’odieux énergumènes. L’angle est volontairement déformant, et ces individus sont des figures poussées à l’extrême certes, toutefois il faut reconnaître la légitime ambition de Dan Pringle de délivrer un regard acéré sur les maux endémiques qui traversent toutes les couches sociales de son pays.

Mais une fois ce propos explicité, et le cadre de l’intrigue posé, le film finit par trainer en longueur. Le chapitrage du long-métrage, proposition rare mais popularisée par le passé, ne présente pas un grand intérêt et divulgâche même par moments les péripéties de certaines séquences. Une telle découpe, couplée au format particulièrement allongé pour un métrage du genre – 1h55 – constituent les écueils majeurs que n’a su éviter Dan Pringle dans sa mise en forme du scénario. Cependant, l’esthétique underground léchée parvient à maintenir le spectateur en haleine et le dénouement final justifie en partie le choix délibéré fait par le réalisateur de donner une épaisseur à ses personnages par la quantité filmique.

Car c’est effectivement la mise en scène et la réalisation qui donnenr une saveur particulière au visionnage de K-Shop. La nuit y est un acteur fondamental, cette nuit teintée de l’ambiance britannique si caractéristique dans laquelle le kebab de Salah devient un ilot éclairé, David contre l’insupportable Goliath représenté par la chaîne de boîte de nuit qui s’installe à côté. Paradoxal lorsque l’on sait qu’il est en réalité le théâtre de scènes d’un gore organique parfois rebutant mais rarement effrayant, très différent d’un Grave par exemple. Le reste de la distribution, et notamment Ziad Abaza dont le jeu est d’une richesse permettant de donner réellement corps au personnage qu’il incarne, est assez bien dirigée par Dan Pringle, et permet de lutter contre la monotonie qui s’installe progressivement dans un long-métrage à la couleur saisissante mais immuable.

Film ambitieux mais limité, K-Shop représente une véritable bouffée d’air dans un paysage parfois en manque de verve. L’idée originelle est audacieuse et ouvre la porte à une remarquable série B empreinte d’une folie typiquement british et d’un regard underground, tant dans la manière de filmer que dans le propos même de l’œuvre. Une telle proposition ravira sans doute les amateurs de gore, fera voir à d’autres le côté obscur d’une débauche crasse qui révèle les pires bassesses de l’humanité, et en laissera, malheureusement, beaucoup sur leur faim.

 

Disponible en VOD. 

6

Rembobinez! #1 – Rétrospective Alien

Previous article

Juste un jeu – Nikon Film Festival

Next article

Comments

Comments are closed.

Login/Sign up