Cinéma

BlacKkKlansman : la contre-attaque de l’activiste contre l’Amérique de Trump…

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Spike Lee nous a habitué à des films plus subtils avec Do The Right Thing ou Malcolm X, mais livre malgré tout avec BlacKkKlansman une charge jouissive contre l’Amérique de la haine.

BlacKkKlansman, c’est l’histoire vraie de Ron Stallworth, premier flic noir de Colorado Springs, ayant infiltré le Ku Klux Klan – ou plutôt organisé et supervisé son infiltration par un collègue juif, ce qui est d’autant plus savoureux. Il faut le reconnaître, l’idée est enthousiasmante, et dans sa globalité, le film l’est aussi.

Mais il semblerait que l’envie de frapper fort sur le racisme ait submergé Spike Lee, qui réduit ici les suprématistes blancs à des profils de bad guys bien trop caricaturaux, au service d’une démonstration assez facile de leur haine aveugle et de leur crétinerie. Par contraste, les héros sont automatiquement rendus attachants, malgré une écriture parfois superficielle, même si le talent des acteurs, les dialogues et l’humour y sont évidemment pour beaucoup.

Ce déséquilibre entre le besoin ressenti par Spike Lee de s’attaquer une fois de plus au racisme et la démagogie avec laquelle il le fait s’explique sans doute par son idée de faire un anti-Birth of a Nation, mentionné plusieurs fois dans BlacKkKlansman. Ce film de Griffith de 1915, à la fois chef d’œuvre du cinéma et terrifiante œuvre de haine, caricaturait les Noirs sous la forme de meurtriers bestiaux infestant les armées du Nord pendant la guerre de Sécession ; sa sortie aurait donné à David Duke l’idée de refonder le Ku Klux Klan. Ici, Spike Lee renverse le mécanisme et désigne selon lui les véritables monstres ; mais la réalité est-elle si simple ?

Le film reste parcouru par un souffle et par une énergie d’une grande force – c’est probablement ce qui malheureusement gomme la subtilité qu’on aurait aimé trouver dans le traitement d’un tel sujet. L’image et la musique qui donnent au film son  esthétique retro ; le mélange d’humour et de tension savamment dosé… de la nomination du héros qui ouvre le film jusqu’au véritable choc des images Charlottesville qui le clôt, il faut le reconnaître, son histoire nous emporte.

Abandonnant la dimension sociologique ou psychologique qui était présente dans certains de ses précédents films, Spike Lee nous livre un divertissement anti-racistes plutôt qu’une réflexion anti-racisme. À l’ère des contre-vérités et dans un tel climat de violence, il a préféré s’adresser à nos émotions plutôt qu’à notre intellect, ce qu’il fait avec beaucoup de talent de mise en scène, malgré ses sabots parfois un peu gros.

7.5

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