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AMOWrica : le post-western

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Pendant toute la durée du confinement, Making Of se charger de vous donner des idées de films à voir : les MOWs, Movies Of The Week.

Le western est presque aussi vieux que le cinéma. Mais depuis Le Vol du grand rapide (The Great Train Robbery) en 1903, le genre a connu bien des évolutions. D’abord pur divertissement pendant le temps du muet, célébration d’une Amérique civilisatrice triomphant d’une Frontière sauvage peuplée d’Indien farouches dans les premiers temps du parlant, le Western se remet peu à peu en question. Dans les années 1950, des films comme La Flèche Brisée de Delmer Daves abandonnent (en partie) la représentation  caricaturale d’Indiens hostiles et sanguinaires. Peu à peu, le Western interroge ce qui a construit l’Amérique : il commence à montrer que ses mythes sont fondés sur la violence, et même le génocide. Enfin, à partir des années 1970, le western comme genre populaire disparaît progressivement – si l’on met de côté son second souffle temporaire avec les westerns italiens. À partir de là, n’apparaissent plus que sporadiquement et de façon de plus en plus espacée des films où les maîtres mots sont déconstruction et désillusion – que l’on pourrait, assez schématiquement mais de façon bien pratique, qualifier de post-westerns. Bienvenue dans l’Amérique des espoirs déçus et des promesses non tenues, pleine de la nostalgie d’une époque qui n’a sans doute jamais existé, et où, bien souvent, le héros meurt à la fin. Et c’est peut-être encore plus beau comme ça…

(NB : Puisqu’on parle du passage du temps, faisons une exception et préférons pour une fois, au classement qualitatif, un parcours chronologique)

 

La horde sauvage, de Sam Peckinpah (1969)

La Horde sauvage : Photo

La horde sauvage est le récit de la fuite d’une bande de hors la loi qui n’arrive plus à exister dans un monde qui change. On entre bel et bien dans une nouvelle période ; Peckinpah débarque avec ses mitrailleuses Gatling et sa stylisation de la mort. Les coups de feu ne font plus des petits trous noirs à peine visibles : ils abiment les corps qui se tordent de douleur au ralenti.  Révolution esthétique lors de sa sortie, le film a été une source d’inspiration majeure pour bien des réalisateurs, dont un certain Quentin Tarentino.

Disponible sur La Cinetek, Universciné, et Canal VOD.

 

John McCabe, de Robert Altman (1971)

Some like it cool: Dois modernos americanos

John McCabe, joueur de poker ambitieux, vient s’installer dans une petite ville de mineurs. Il y installe un saloon, s’associant avec Constance Miller, une prostituée. Étranger en ce lieu, solitaire, il devient aussi la cible d’une compagnie minière déterminée à lui racheter son affaire… Un film qui montre que la construction des premières villes de la plus grande nation du monde s’est faite dans la pluie et la boue, avec un bar et un bordel comme premiers établissements. Warren Beatty, le beau gosse du nouvel Hollywood, habitué à des rôles plus glamour (Bonnie and Clyde d’Arthur Penn ! quoique…), est ici barbu, crasseux, alcoolique… c’est autant son propre mythe que celui du Western qui est réinterprété.

Disponible sur La Cinetek, Universciné, CanalVOD, FilmoTV.

 

Le dernier des géants, de Don Siegel (1977)

Red Dead Redemption: the Western movies that inspired the ...

John Wayne est une légende, qui incarne à lui seul le western (voire l’Amérique), en ayant été l’acteur le plus important sur plusieurs décennies. Mais le personnage de Brooks qu’il incarne dans Le dernier des géants, mystérieuse légende vivante de l’Ouest aussi crainte que vénérée, est vieux, atteint d’un cancer, et ne parvient même pas à mourir tranquillement dans la ville où il s’installe sans que des petits fiers-à-bras viennent tenter de le tuer pour se constituer leur propre gloriole. Difficile de faire plus explicite comme symbole de la mort du western. Moment nostalgie en début de film : un montage se présentant comme un ensemble de flash-back censés nous présenter le personnage, en réalité un hommage à la carrière de Wayne, puisqu’il est constitué d’extraits de ses véritables films. Une façon de plus de brouiller la distinction entre le personnage, l’acteur et la légende.

Disponible sur MyCanal.

 

Butch Cassidy et le Kid, de George Roy Hill (1970)

Butch Cassidy and the Sundance Kid - NYT Watching

Pour vous faire comprendre que l’Ouest est mort, mais sans cynisme et en parvenant au passage à vous arracher une larme, le duo aussi légendaire que charismatique Paul Newman / Robert Redford est assez efficace. Deux hors-la-loi de légende, braqueurs au grand cœur, se trouvent pourchassés par des chasseurs de prime pour s’être attaqués à la mauvaise personne. Une menace froide et invisible qui vient détruire l’existence insouciante et aventureuse de deux héros romantiques rattrapés par une réalité qui les dépasse.

Disponible sur TF1 VOD et Canal VOD.

 

La porte du Paradis, de Michael Cimino (1980)

La Porte du paradis : Photo

On a aujourd’hui globalement compris que les États-Unis sont bâtis sur le génocide des Indiens. Mais saviez-vous que les massacres d’immigrants d’Europe de l’Est faisaient aussi partie des joyeuses traditions de ce beau pays ? La porte du paradis est culte, parce que c’est un chef d’œuvre magnifique, mais aussi parce que ses dépassements de budgets (essentiellement dus à l’ambition artistique démentielle de Michael Cimino) ont entraîné la mort de l’historique United Artist qui l’avait produit.

Disponible sur Amazon Prime Video.

 

Danse avec les loups, de Kevin Costner (1991)

‎Dances with Wolves (1990) directed by Kevin Costner ...

Dunbarr, officier de l’armée américaine, se retrouve seul à garder un fortin abandonné au milieu des plaines, mission qu’il a volontairement choisie après une tentative de suicide mal interprétée par ses supérieurs comme un acte de bravoure. Sa solitude devient l’occasion d’une redécouverte de la nature et des peuples indiens, d’abord méfiants, puis accueillants, qui y habitent. Mais même si vos connaissances historiques sont un peu lacunaires, vous vous doutez qu’il ne vivra malheureusement pas éternellement dans cette harmonie retrouvée.

Disponible sur Universciné, Canal VOD et TF1 VOD.

 

Impitoyable, de Clint Eastwood (1992)

Critique : Impitoyable, de Clint Eastwood - Critikat

Un jeune as de la gâchette vient chercher un ancien tueur professionnel retranché dans une ferme pour lui proposer de travailler avec lui sur un nouveau contrat : un rancher a agressé une prostituée, et sa tête est mise à prix. On aurait rapidement un sentiment de déjà-vu face à autant de clichés, si nos deux “héros” n’étaient pas, l’un, un minable menteur inexpérimenté avide de sensations fortes, et l’autre, un vieillard épuisé et traumatisé par le souvenir de ses méfaits. Leur cible n’est pas un tueur machiavélique, mais un bouseux un peu violent sur les bords. Et la prime n’est pas offerte par la loi, mais par les prostituées elles-mêmes, fatiguées de se faire agresser sans que personne ne réagisse. La quintessence du western déceptif, pessimiste et tragique : quand rien ne va plus dans l’Ouest, vraiment rien.

Disponible sur La Cinetek, Filmo TV, Universciné, et Canal VOD.

 

Dead Man, de Jim Jarmusch (1996)

PANDORA FILM Produktion - DEAD MAN

Après autant de remise en question, de déconstruction, il ne reste plus grand chose sur les ruines du western. Alors, il n’y a plus qu’à reconstruire quelque chose de nouveau, ce à quoi s’attellent ces trois derniers films. D’abord, Dead Man : Jim Jarmusch derrière la caméra, Johnny Depp devant, Neil Young à la musique, pour nous raconter l’histoire de William Blake, jeune homme, mal accueilli dans une petite ville industrielle, et poursuivi par des tueurs à gage pour un double meurtre qu’il n’a pas commis. Un voyage halluciné, sombre et poétique.

Disponible sur La Cinetek.

 

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, d’Andrew Dominik (2007)

Cinemalacrum: Top Ten Thursdays: Brad Pitt Movies

Brad Pitt incarne la légende de l’Ouest Jesse James, et Casey Affleck, l’antipathique avorton qui l’adule, Robert Ford. La fin du film est dans le titre, on est prévenu. Relecture de la figure du hors-la-loi au même titre qu’Impitoyable, qui privilégiait une images terne et granuleuse, sans aucune musique, L’assassinat de Jesse James propose au contraire une élégie sublime, où les images du chef opérateur Roger Deakins et la musique de Warren Ellis sont empreintes d’une mélancolie poignante.

Disponible sur Filmo TV, Canal VOD, et TF1 VOD.

 

La dernière piste, de Kelly Reichardt (2011)

La dernière piste (2011) Kelly Reichardt - Le blog de neil

Celui-là mérite-t-il d’ailleurs encore le nom de Western ? Un groupe de pionnier traverse le désert… et l’ensemble du film pourrait à peu près se résumer à cette phrase. À regarder si vous vous sentez d’humeur particulièrement contemplative : un film minimaliste (une intrigue plus que ténue, sans début ni fin), millimétré et pictural, où chaque plan est composé avec un souci extrême du détail et de la composition. La dernière piste est en fait une réflexion sur la pré-naissance de l’Ouest, qui esquissent discrètement les thématiques qui structureront ensuite l’univers du western : la peur, l’espoir… un beau retour en arrière pour boucler la boucle de cet article.

Disponible sur Arte Boutique, Filmo TV, et Universciné.

 

 

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