Cinéma

L’affaire Collini – Justice sera faite

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L’affaire Collini (Marco Kreuzpaintner) retrace un des plus grands scandales de l’histoire judiciaire allemande. Jean-Baptiste Meyer, riche industriel allemand, est abattu dans un hôtel à Berlin par Fabrizio Collini (Franco Nero). Plein de sang-froid, il reste muet et ne prend pas la fuite, sans éclairer le motif de son acte. Caspar Leinen (Elyas M’Barek), avocat débutant et idéaliste est alors commis d’office, chargé de la défense du tueur. Il découvre rapidement que Jean-Baptiste Meyer est en réalité Hans Meyer, l’homme qui l’a accueilli durant sa jeunesse et qui lui a permis de devenir avocat, mais aussi le grand-père de son amour de jeunesse. Le jeune avocat est tiraillé entre ses sentiments et son devoir de justice. Au fil du procès, il découvre pourtant le passé sombre de la victime, complexifiant profondément la décision de la justice.

Particulièrement bien joué, notamment par l’acteur principal Elyas M’Barek, L’affaire Collini nous plonge dans un procès dense et riche. L’incroyable affaire judiciaire allemande est menée avec efficacité et nous intrigue dès les premiers instants. La culpabilité nationale, fruit du passé allemand, est fréquemment l’objet de réflexion et de remise en cause en Allemagne. Son traitement est ici rondement mené. Traiter de la monstruosité de la loi Dreher (1968) qui, en instaurant notamment la prescription sur les meurtres à 20 ans (contre 30 ans pour les assassinats), a permis à des milliers de criminels du Troisième Reich d’échapper à leur peine en toute impunité, est très intéressant et explique les déchirements historiques encore profonds dans la société allemande. L’opposition entre les deux avocats, Richard Mattinger (Heiner Lauterbarch), rigoriste juridique à l’allure froide et impitoyable, et Caspar Leinen, militant idéaliste pour la justice, donne lieu à de très belles séquences. Quasiment muet, Franco Nero laisse parfois transparaitre ses émotions de façon bouleversante et parvient finalement à exprimer en quelques mots le motif de ses actes.

Pour autant, le film n’est pas indemne de tous reproches. Le choix des musiques et les enchainements parfois très rapides dès le début du film laisse entrevoir une forme de « climax permanent » qui fait perdre leur force aux véritables rebondissements. Au-delà de ça, la réalisation reste globalement très classique, hormis la scène finale qui joue intelligemment et poétiquement sur les différentes temporalités évoquées durant l’œuvre de Marco Kreuzpaintner. Certains personnages intransigents comme Johanna Meyer (Alexandra Maria Lara), la petite-fille d’Hans Meyer toujours amoureuse de Caspar Leinen, ne semblent pas assez exploités alors que leur point de vue mériteraient d’être approfondis. Les scènes de flash-back sont parfois lourdes et, si elles restent bien évidemment tragiques et touchantes, ne semblent pas toujours nécessaires tant les explications de l’avocat et les expressions de l’accusé sont claires. Enfin, la métaphore de l’avocat boxeur reste assez grossière et déjà vue.  

Sujet passionnant, sur les plans historique et juridique, L’affaire Collini rappelle que le devoir de tout citoyen est de défendre sans relâche la justice et de participer au devoir de mémoire.

7.5

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