Cinéma

Asako : quand Rohmer rencontre Hitchcock au Japon…

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Asako, jeune étudiante d’Osaka, croise dans une exposition Baku, beau et mystérieux jeune homme dont elle tombe immédiatement amoureuse. Mais cette passion s’avère aussi intense que brève : Baku disparaît. Quelques années plus tard, elle rencontre à Tokyo Ryohei, qui ressemble à s’y méprendre à Baku.

Cette ressemblance troublante peut rappeler Vertigo (Sueurs Froides) d’Alfred Hitchcock, dans lequel le protagoniste ne sait si la femme qu’il vient de rencontrer est celle qu’il croyait disparue ou son sosie. La photo de jumelles qui fascine Asako dans le musée qu’elle visite à deux reprises insiste sur ce thème du double. Cependant, Hamaguchi n’étudie pas ici le mystère de la disparition des individus, mais celui de l’apparition de ce qui les unit.

C’est en effet moins au thriller à la Hitchcock ou Cronenberg (Faux-Semblants) qu’aux « Comédies et proverbes » de Rohmer que fait penser Asako. La réflexion de l’auteur-réalisateur porte sur la naissance des sentiments amoureux, sur leurs évolutions, les dilemmes qu’ils suscitent… Tout comme chez le cinéaste de la nouvelle vague, le propos apparemment simple recèle une interrogation plus profonde, que la catégorie « drame romantique » ne laisse pas forcément supposer (sus aux étiquettes !).

Le film reste évidemment profondément japonais. Cette réflexion, le réalisateur la mène dans un cadre typiquement nippon : Ryohei travaille pour un producteur de Saké, Asako, pour un charmant petit café ; la façon dont se nouent leurs relations amoureuses comme amicales, les questions d’honneur, retournements de situation et autocritiques dans les dialogues, exploitent les mêmes mécanismes que chez Rohmer, mais à travers des conventions et des formes de discours propres à cette culture.

Asakoest aussi paradoxalement marqué par un entrecroisement de deux tendances. L’héroïne répond parfaitement aux critères de beauté asiatiques actuels que sont la peau pâle et les grands yeux ; son calme et son innocence en font une jeune femme effacée, l’épouse idéale selon des critères sexistes traditionnels encore répandus au Japon. Et pourtant, le film est imprégné d’un propos assez progressiste : une femme devrait pouvoir choisir la carrière qu’elle veut, par exemple ; surtout, elle a le droit de vouloir suivre ses sentiments, de se méprendre, de changer…

Les interprètes des personnages principaux comme secondaires parviennent à nous toucher en étant à la fois très sensibles et très légers. Pas besoin de cris ni de pleurs pour faire émerger à la surface ce qu’ils ont en eux ; même la douceur peut être violente.

Avec son traitement tout en subtilité du sujet qu’il aborde, Hamaguchi livre avec Asako un très beau film et permet aux spectateurs d’être gagnés par l’émotion tout en pensant leurs sentiments.

8.5

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