Cinéma

Les Mitchell contre les machines – Indestructibles

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Alors que les salles rouvrent et que la vie reprend doucement son cours, il reste quelques films encore échoués sur les plateformes, qui n’ont pas eu la chance d’obtenir une sortie en salles et de se voir projetés sur grand écran. Le dernier film d’animation des studios Sony Pictures Animation – déjà connus pour leur très acclamé Spiderman : New Generation – en fait partie, et Dieu sait que nous aurions préféré apprécier toutes ces couleurs, ce foisonnement d’images et d’émotions dans une salle obscure, presque en communion. Il reste que le spectacle qu’offre ce très beau film est accessible sur Netflix, l’occasion de savourer, en famille si possible, un moment de tendresse et de rigolade bien mérité.

Nous suivons donc les mésaventures de la famille Mitchell, prise bien malgré elle en plein apocalypse. Apocalypse dernier cri s’il en est, puisqu’il est causé par la révolte de la nouvelle gamme de robots signée par une grande marque de la tech. Face à cela, qu’on se le dise, les Mitchell ne sont a priori pas les mieux préparés : (très) loin de la famille modèle, ils sont bien plus adeptes de la bizarrerie, sorte de désaxés qui auraient voulu autre chose, mais qui se contentent de ce qu’ils ont. D’autant plus que la famille elle-même semble rongée de l’intérieur par des conflits internes – entre père et fille notamment – qu’il conviendra naturellement d’apaiser au long du voyage.

Ce qui marque d’abord et avant tout, c’est la drôlerie de l’entreprise. Les Mitchell contre les machines est un film absolument hilarant, qui n’arrête pas de la première à la dernière seconde, et saura redonner le sourire aux dépressifs les plus aguerris. Personne ne saurait décemment rester impassible devant une attaque de peluches Furby ou face à ce père en lutte contre son téléphone auquel il ne comprend rien, esquivant tant bien que mal les mises à jour à la recherche de YouTube. Un rire profondément pop, certes, ancré dans cette époque de mashups et de mèmes, mais un rire vrai, intense et salutaire. La science du gag est portée si haut qu’elle en devient presque désarmante, et saura à n’en pas douter ravir jusqu’aux plus réfractaires.

Vient ensuite l’admiration devant tant d’inventivité : ce que met en œuvre le studio d’animation est proprement éblouissant. Reprenant le style visuel déjà travaillé dans leur Spiderman, à la frontière de l’amateurisme et du raffinement, le film se joue de la 2D comme de la 3D, estampille les écrans de contrastes savamment composés, agrémentant les panoramas élégants de dessins impromptus et toujours opportuns. Le tout donne l’impression d’un monde foisonnant, qui ne cesse de se déployer à mesure que la caméra vient le saisir. Le film respire tant l’envie de cinéma qu’il démontre presque inconsciemment les vertus de l’expérimentation : se dédier entièrement aux images, chercher toujours, trouver peut-être, au risque de se perdre ; y croire.

C’est l’émotion qui finalement prend le pas, car les Mitchell s’aventurent d’abord au bout des choses du cœur. Des choses simples, des choses justes : les difficultés qu’il y a à s’entendre en famille, et pourtant tout l’amour qu’il y a dans le fond ; l’envie de partir, loin de chez soi, faire la différence, sans perdre ce qui nous a fait ; l’espoir, enfin, que rien de tout ça ne s’en aille vraiment, et que les instants de bonheur vécus restent en nous comme autant de gommettes gardées dans le fond du cœur. À tout cela, le film allie même un propos sur la technologie et les mœurs actuels qui n’a rien d’anodin et s’avère bien plus fin que toute la soupe habituelle : en dépit de tout ce qu’il y a de cassé et de perfide chez les géants de la tech, il peut arriver que certains jeunes passionnés s’épanouissent grâce à leurs créations et trouvent leur voie – c’est déjà ça. Rappeler enfin que tous ces personnages sont beaux. Qu’ils aient envie de partir ou de retenir, de rire ou de pleurer, c’est du pareil au même : ils sont à l’image de tous, des gens qui essayent simplement, qui balbutient évidemment, qui font du mieux qu’ils peuvent.

Les Mitchell contre les machines est un film porte-bonheur, littéralement, qui porte haut le bonheur, l’élève en valeur cardinale, en boussole, en horizon. Machine de guerre face au cynisme ambiant, il transpire l’amour de tous les côtés : l’amour des siens, l’amour des autres, l’amour du cinéma. Certains à la critique facile parleront volontiers d’un film naïf, presque simplet. Qu’importe l’avis de ceux qui refusent le rire simple et vrai, il faut parfois savoir apprécier pour ce qu’ils sont ces rares moments de communion et de tendresse. Car à la tendresse, rien ne résiste vraiment, semblent nous dire les Mitchell, et face à la fin du monde, quitte à disparaître, autant profiter une dernière fois les uns des autres, et s’abandonner ensemble au grand n’importe quoi.

8

Luca Mongai
Rédacteur en chef de la Cinémat'HEC pour l'année 2021-2022.

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