Cinéma

Pentagon Papers : I am not a crook…

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On ne penserait plus aujourd’hui présenter le Watergate. C’est devenu un véritable cas d’école. Car Watergate fait même des enfants, illustres et moins illustres, dont les bienheureux IranGate, MonicaGate, EmailGate, GateGate et ShitholeGate. Fort de cette célébrité on ne s’étonnera pas alors qu’il fasse de l’ombre à une affaire pourtant non moins intéressante qui l’a précédé : les Pentagon Papers.

Aussitôt dévoilés, ils révèlent les mensonges des gouvernements américains successifs au sujet de leur participation dans la guerre du Vietnam, depuis près de vingt ans, et donc scandale, polémique… C’est d’ailleurs le début de la fin pour un Nixon qui selon ses plus fervents détracteurs, se prêterait à une vision presque absolutiste de la présidence. Et lui, Richard Nixon dans ce film, c’est une ombre : jamais à visage découvert, on le dessine de loin, seul dans sa maison blanche, menaçant, et voilà qu’il marmonne des ordres funestes au téléphone pour bâillonner la presse… Ici il ne s’agit pas tant de montrer les deux « camps » (l’exécutif et la presse) et leur lutte mais plutôt de livrer le point de vue intime des acteurs majeurs du Washington Post dans ce moment clé, Washington Post qui en publiant ces Pentagon Papers, cessera d’être un simple journal local et passe un temps pour être le meilleur défenseur de la liberté de la presse.

Ça commence. Le film se lance assez rapidement, rythme saccadé et mise en scène qui coupe toutes les 10 secondes. En guise d’introduction, 5 minutes sur le passé de Daniel Ellsberg au Vietnam (le fameux Whistleblower qui est à l’origine de toute cette affaire), puis nous voilà transportés dans les coulisses d’un Washington Post effervescent, avec un Tom Hanks énergique et une Meryl Streep soucieuse de légitimer sa position de directrice du journal dans un milieu majoritairement masculin. Puis tout s’enchaîne très rapidement. Bientôt tous sont pris comme dans une spirale infernale qui pousse sans cesse à aller de l’avant jusqu’à la décision finale d’une impossible publication des fameux Pentagon Papers. Il est un peu difficile d’accrocher, et même parfois c’est tout à fait désagréable, jusqu’à ce qu’on se rende compte que cela sert en fait très bien le propos du film. Les travellings ici ne sont comme que des ébauches, on n’est pas dans le contemplatif, ils servent plus à précipiter l’action. Dans cette atmosphère de confusion et de précipitation, la prise de décision apparaît d’autant plus fatidique et contingente : publier ou ne pas publier ? Là se joue le destin du Washington Post mais aussi de la presse, sans oublier le pays tout entier.

On est donc tenu en haleine tout le long, les différentes personnalités hautes en couleur font et défont les tentatives de décisions à des moments absolument cruciaux et c’est dans le projet de Spielberg de donner l’impression que ces moments fatidiques de l’histoire tiennent à très peu. Ainsi il travaille avec une étonnante justesse à créer et amener la tension avec un rythme millimétré et très efficace. La trame admirablement servie par des acteurs tenant très bien leur rôle donne vie à cette architecture de qualité. Ça fait déjà beaucoup de qualités.

Et il ne faut pas tellement en chercher plus dans ce film. D’où peut être la réticence de certains. Il s’avère très bon quand considéré « simplement » comme ce qu’il prétend être, une sorte de célébration d’un épisode clé de l’histoire des Etats Unis en prenant le point de vue audacieux de l’intimité des acteurs majeurs : ce qui explique l’enthousiasme omniprésent dans le propos du film et son ton assez monochrome avec un Nixon menaçant et distant, unique véritable antagoniste. Ce n’est qu’un épisode « célébré », qui d’ailleurs laisse entrevoir sur sa fin la suite des évènements (Watergate) et se clôt donc avec un accord tacite sur une histoire déjà connue de tous. On acquiesce ensembles, satisfaits d’avoir observé ce tableau incarnant la liberté de la presse après avoir bien été cuisinés par ce « drame/thriller » (selon Allociné) on n’en demande pas plus.

Pour qui saura se contenter des limites du propos du film et de ses ambitions, Pentagon Papers sera un très bon film, parce que très efficace, et même doté d’un relatif intérêt historique.

7.5

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