Cinéma

Un Homme en Colère – Le mauvais côté de la pièce

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Quel est le point commun entre Louis de Funès et Jason Statham ? Ils sont tous les deux chauves, certes, mais là n’est pas la question. Une chose est sûre, Louis de Funès n’a jamais joué pour Guy Ritchie. Jason Statham, oui, quatre fois même, dans les excellents Arnaques, Crimes et Botanique et Snatch, dans le moins (re)connu Revolver et donc dans Un Homme en Colère.
Alors on aurait pu penser aller au cinéma comme on va en terrain conquis, avec la certitude d’assister à un thriller nerveux et musclé à la sauce Ritchie. Néanmoins, le cinéaste britannique n’a plus rien de l’assurance tout risque. Robin des Bois et Aladdin sont passés par là, et c’est donc avec une certaine appréhension que les lumières se sont éteintes dans la salle. Alors, à pile ou face, faites vos jeux, inspirez un grand coup et … la pièce est tombée du mauvais côté.

Un Homme en Colère suit Patrick Hill braqueur reconverti convoyeur de fonds, à la recherche de celui qui a tué son fils quelques mois plus tôt. Inversion des rôles intéressante, puisque le protagoniste ne sera a priori pas un parangon de vertu, quoique cela n’a rien de nouveau dans un thriller. Un film de revanche donc, rien non plus de très original, mais la simplicité n’a jamais fait de mal à un thriller et tout le monde ne peut pas être Christopher Nolan.

Mais vous vous demandez peut-être ce que Louis de Funès a à voir avec tout cela. On aurait pu rêver d’un remake de Fantômas, d’autant qu’Un Homme en Colère est un remake. Mais c’est bien du Convoyeur de Nicolas Boukhrief et non des tribulations de notre héros national que Guy Ritchie s’est inspiré. Ou bien devrait-on dire Jason Statham, tant la patte du réalisateur paraît avoir disparu de ce film. Parce que comme Louis de Funès, Jason Statham est de la trempe des acteurs qui vampirisent les films, qui concassent les réalisateurs. Rares sont ceux qui peuvent citer le réalisateur de ce trésor du patrimoine national qu’est Rabbi Jacob, et ne vous y trompez pas, il en sera de même d’Un Homme en Colère, à la différence près que celui-ci n’intègrera probablement aucun panthéon national.

A l’exception d’un générique aux accents james bondien, Un Homme en Colère ne donne pas grand-chose à analyser visuellement. Exit les montages ultra-rapides qui ont fait la renommée et la popularité de Ritchie. Exit aussi les ralentis qui conféraient à ses films un esthétisme certain. Un Homme en Colère se veut aussi dur que son personnage principal, et il pourrait sembler approprié que sa mise en scène s’adapte à cette volonté.
Alors, même s’il peut sembler un peu réducteur de conditionner la réussite d’un film à l’adéquation entre un script et une mise en scène, il faut noter que l’écart entre Ritchie le scénariste et Ritchie le réalisateur n’a peut-être jamais été aussi grand.
Un Homme en Colère n’a rien d’un film dur et austère. Il n’y est pas question de remise en question de soi, de rédemption, de danger ou de fatalité. Au contraire, dans la lignée du travail de Guy Ritchie, il se veut une expression jouissive de violence. D’où une certaine incompréhension devant les choix du cinéaste.

Mais si on peut ressentir de l’incompréhension vis-à-vis de Ritchie le réalisateur, il est difficile de ne pas ressentir une certaine consternation vis-à-vis de Ritchie le scénariste. Après le montage, exit le second degré, au profit d’une flopée de vannes graveleuses qui réduisent jusqu’à l’unique personnage féminin au rang de faire valoir testostéroné. Fini donc la diversité, et avec elle la caractérisation des personnages.
On ne pourra jamais décemment accuser un réalisateur-scénariste de vouloir évoluer. En revanche, il est légitime d’accuser un réalisateur-scénariste de renoncer. Arnaques, Crimes et Botanique et Snatch avaient pour point commun de livrer un certain regard sur la dureté d’une existence et d’un milieu dans lequel la violence passe pour la seule solution. Ce regard qui conférait aux films de Guy Ritchie un soupçon de gravité ou de discours politique fait malheureusement terriblement défaut à présent, alors même que le scénario laisse en l’état des pistes à creuser, pour ne pas dire des trous béants, tant les incohérences et les incompréhensions se multiplient.

Un Homme en Colère n’a donc rien du thriller noir et efficace qu’il promettait d’être. Preuve s’il en est que contrairement à un jeu de hasard, certains réalisateurs ne peuvent pas miser leur style à pile ou face.

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