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New York Stories – Des regards, des mondes

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A l’aube d’une série new-yorkaise, une question se posait. Comment peut-on résumer en si peu de mots la diversité d’une ville dont tout le monde rêve sans peut-être la connaître, que tout le monde connaît un peu sans pourtant l’avoir arpentée ? Et même si, outre-Atlantique, le soleil du cinéma se lève et se couche à l’ouest, que peut avoir à dire le cinéma sur la ville qui ne dort jamais ?
Plutôt que de tenter une synthèse exhaustive, de répertorier chaque film, chaque acteur, il est peut-être plus adapté, pour ne pas dire plus simple, de s’aventurer dans cette série petite touche par petite touche, comme pour capturer des instantanés et espérer en faire quelque chose.

Alors, en guise d’entrée en matière, New York Stories encapsule une part de cette diversité. Par sa forme premièrement, en tant que film à segments, trois histoires, trois visions de New York, trois milieux comme trois villes en une, unies par un décor commun et une appétence pour ce qui sort de l’ordinaire.
Par ceux qui l’ont fait aussi, car il est difficile de faire plus new-yorkais qu’une association Martin Scorsese, Francis Ford Coppola et Woody Allen dans un exercice de style que l’on ne voit plus trop aujourd’hui, mais qui permet de mettre en perspective comme rarement les pattes respectives de ces réalisateurs si reconnus.
Par ses contrastes enfin, tant chaque segment diffère des autres, tant par le sujet que par l’exécution, en mettant en regard le microcosme de la peinture new-yorkaise, la vie de palais d’enfants tout droit sortis d’un conte et les paradoxes familiaux d’un juif new-yorkais.

Il est difficile de croire que tout ceci puisse cohabiter véritablement, sans que l’ombre d’un segment n’en assombrisse un autre, et il serait inexact d’expliquer que dans New York Stories, tout se vaut. La précision technique et virtuose du segment scorsesien, Life Lessons, contraste avec les enfantillages du segment de Coppola père et fille, Life without Zoé, et l’élan du segment Oeudipus Wrecks, d’un Woody Allen qui revient à la comédie avec succès.
Mais l’idée n’est pas ici de mesurer les uns à la lumière des autres, et New York Stories ne se vit pas comme une compétition où trois maîtres croiseraient le fer. New York Stories se vit comme une ouverture sur trois imaginaires.
Et de ce point de vue encore, il est un moyen unique d’appréhender l’esprit de chacun de ses concepteurs, à condition de reconnaître qu’il y a beaucoup plus de Sofia Coppola que de son père dans Life without Zoé. Et même si ce segment pêche véritablement en comparaison des deux autres, il est l’occasion de mettre en lumière le rapport familial qu’entretient Francis Ford Coppola avec le cinéma et New York. Tout le monde n’a pas réalisé Le Parrain, et c’est probablement grâce à ou à cause de la force de cet esprit de famille que Coppola a brillé, et dans New York Stories, décliné.
La famille aussi chez Woody Allen, malgré les oppositions et les recompositions, avec les ambiguïtés d’un protagoniste qui n’arrive pas ou bien à s’émanciper, ou bien à embrasser les raisons de sa servitude pourtant assez volontaire.
Une certaine expérience de la dureté et de l’intransigeance enfin chez Scorsese, mise au prise des sentiments amoureux et de la possession, comme un regard opposé à la perspective de Woody Allen, avec pour conséquence deux dénouements radicalement différents et pourtant unis par la recomposition des liens sentimentaux.

Chez Coppola comme chez les autres, ce sont bien les individus qui sont au cœur de New York Stories, malgré la tentation de se laisser écraser par les perspectives sur Manhattan ou le gigantisme des hôtels et des lofts, comme pour rappeler encore que ce sont les habitants qui font la ville. Entre artistes, enfants pourris gâtés ou mère juive, New York Stories délivre une galerie de portraits, comme une histoire de New York entre réalité et fiction, dont on n’attendrait que subitement ils s’arrêtent et regardent droit le spectateur en disant : « voici mon monde ».

Il ne faut peut-être pas en attendre plus de cette anthologie, accepter qu’avec ses imperfections et cet air d’association mal agencée, elle révèle avec humanité les premiers contours d’une ville qui impressionne à première vue le spectateur, comme on impressionnerait un enfant avec un objet imposant. New York Stories a les vertus de ses défauts, avec le paradoxe d’un rapport ambigu à l’authenticité d’une ville d’un segment à l’autre, tant les changements de registre peuvent paraître déroutants.
New York Stories est loin de tout dire et de tout montrer, et sa valeur repose peut-être en partie sur les partis pris qu’il met en valeur, sur l’expérience des subjectivités, bien plus que sur la complémentarité que l’on pourrait espérer d’un film à segments. Tant mieux, rendez-vous au prochain article pour la suite.

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