Cinéma

OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire – Reculer pour mieux sauter

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Peut-être plus que n’importe quel autre genre cinématographique, la comédie se prête aux recettes, comme si on mitonnait le rire comme on cuisine une blanquette, cela va de soi. Celle d’OSS 117 est bien connue, une recette pour ceux que la France du général de Gaulle fait bander, au second degré bien évidemment : un espion typiquement de chez nous, avec ce que cela peut impliquer de bons mots et d’ignorance crasse, pour ne pas dire plus, des voyages et un humour décalé dans la plus culte des sagas-pastiches du cinéma hexagonal.

Mais les codes d’un genre quels qu’ils soient ne sont pas, n’en déplaise à ceux qui ne jurent que par l’originalité, un obstacle. Titane l’a montré à Cannes, en démontrant par la même occasion que la nouveauté naît plus des grilles de lecture que des artifices de cinéma à proprement parler.
Dès lors, envisager OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire comme une continuation n’a rien de rédhibitoire. Sur le papier tout y est, le voyage au cœur de la Françafrique, Hubert Bonisseur de la Bath, les sournoiseries de Jean-François Halin, déjà scénariste des deux premiers volets.  Néanmoins, face aux attentes colossales et presque inatteignables qui condamnent depuis longtemps déjà OSS 117 troisième du nom, il était évident que la continuation ne serait pas suffisante, étant donné en plus l’aura délirante de ses prédécesseurs.
De ce besoin de renouvellement naît la difficulté de faire évoluer les stéréotypes, comme si avec le temps la recette n’était plus bonne à manger. Voilà donc OSS confronté au temps qui passe et à sa jeunesse perdue, que représente le nouvellement formé OSS 1001, incarné par Pierre Niney. Déconstruction du héros pour ne plus rire du décalage entre OSS et l’environnement du spectateur, mais plutôt du décalage entre le héros et son propre temps, avec pour effet que le propos du film, à savoir que la France œuvre à maintenir l’odieuse logique des républiques bananières, devient assez anecdotique.
L’inversion du rapport triomphal qu’OSS entretenait jusqu’à présent vis-à-vis de ceux qui l’entouraient ne dévoile pourtant pas une réinvention nécessaire de la progression scénaristique d’Alerte Rouge en Afrique Noire, qui souffre d’une inadéquation entre l’esprit nouveau de son protagoniste et la facilité toujours déconcertante avec laquelle il évolue dans son environnement. En résulte un attelage mal arrangé qui peine dans un premier temps à donner du rythme comique malgré la profusion de blagues et un montage qui raccourcit parfois plus que de raison.

C’est donc avec une impression de trop peu que reparaît enfin l’OSS que tout le monde attendait, une heure après l’extinction des feux, débarrassé de son acolyte moralisateur et de ses problèmes érectiles, comme un renoncement aux accents de renaissance.
Car c’est de la superbe d’Hubert Bonisseur de la Bath que naît le rire, de l’écart entre ce qu’il pense être, ce qu’il est aux yeux des scénaristes et dans un troisième temps aux yeux des spectateurs. Si le regard porté sur lui n’inspire pas à la bienveillance, il ne peut plus inspirer à rire et c’est bien là le problème d’Alerte Rouge en Afrique Noire, balayé par un salvateur retour aux sources.
Dès lors, malgré la persistante faiblesse d’une mission sans réel antagoniste, OSS repart au trombe, emporte avec force le spectateur dans la lignée de ses prédécesseurs et tente de rattraper le temps perdu, quitte à bâcler sauvagement son dénouement, probablement pour ménager la possibilité d’une suite.
Ce goût d’inachevé a quelque chose d’ambivalent, avec l’incompréhensible impression d’en vouloir encore malgré les approximations et les tentatives manquées, comme si cet OSS n’était qu’un travail préparatoire, le brouillon d’une comédie de génie, adossée déjà sur une mise en scène réussie, quoique plus proche de Goldeneye que de Rien que pour vos Yeux, et un générique d’ouverture du meilleur effet, aux accents eux-aussi terriblement bondiens.

OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire n’est donc ni la catastrophe annoncée, ni le miracle que certains espéraient peut-être encore. Il est à l’image de son protagoniste, qui se cherche malgré son assurance, qui doute des conséquences de son évolution puis qui y renonce, parce qu’en dernier lieu, ce sont les fondamentaux qui font recettes, avec cette impression que tout ce qui a précédé n’a pas servi à grand-chose.
Espérons que ce pas en arrière permette à OSS de reculer pour mieux sauter, en ajoutant que comme la blanquette, il vaut mieux le laisser mijoter encore un peu.

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