Cinéma

Parasite : une palme d’or aux multiples facettes

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Ki Taek, sa sœur, son père et sa mère vivent de petites combines, à moitié enterrés dans un appartement misérable en entresol. Un jour, un ami propose à Ki Taek de donner des cours à une étudiante habitant avec ses riches parents dans une superbe villa ; le jeune homme y voit l’occasion de donner une nouvelle chance à sa propre famille…

Parasite ne vous lâche pas. Il traverse les styles et les genres, commençant comme une comédie, s’assombrissant, passant du thriller au drame… Mais du début à la fin, Bong Joon-ho fait preuve d’une maîtrise du rythme qui maintient le spectateur constamment en haleine. On se réjouit de l’ingéniosité et de la roublardise des héros, on les suit avec autant d’entrain et d’enthousiasme que d’inquiétude, bref, on est fasciné.

Ce qui rend Parasite si jouissif, c’est sûrement l’efficacité et le brio avec lesquels Bong Joon-ho explore les possibilités du cinéma, les manipule avec dextérité, et joue avec le spectateur. Dans le scénario, en semant des indices pour s’offrir ensuite le plaisir de brusques et imprévisibles changements de direction ; dans la réalisation, qui s’adapte à chaque ton, tantôt en construisant imperceptiblement une nouvelle atmosphère, tantôt en y plongeant brusquement le spectateur ; ou encore dans la direction d’acteurs, car les quatre protagonistes excellent dans leurs rôles tout en faux-semblants et double jeu.

La force de Bong Joon-ho, c’est aussi de savoir tisser un réseau de motifs et de symboles au sein de sa narration sans jamais l’affaiblir. Il y a les insectes et les parasites, évidemment. Mais il y a aussi, par exemple, cette verticalité et ces mouvements successifs d’ascension et de chute qui parsèment le film. Des bas-fonds aux hauteurs de la ville, d’un sous-sol à un étage… car Parasite est avant tout, quel que soit le genre auquel on le rattache, un film sur les classes sociales et sur les luttes qu’elles mènent les unes contre les autres.

Qui est ce Parasite du titre ? Celui qui émerge des profondeurs pour venir vampiriser ceux qui habitent la surface ? Ou celui qui occupe la surface aux dépens de ceux qui se trouvent relégués dans les profondeurs ?

Cette tentative de nager à contre-courant de l’ordre social était déjà le thème de Snowpiercer. Dans cette adaptation de l’excellente bande dessinée Transperceneige que Bong Joon-ho a réalisée en 2013, le dernier train d’un monde devenu invivable ordonne ses passagers d’un wagon à l’autre selon leur groupe social. À l’avant, les nantis. À l’arrière, les rebuts de cette micro-société. Lesquels décident de se soulever, et de remonter le train… un schéma qui rappelle celui de Parasite. On retrouve dans les deux films une fin ouverte, comme un appel au spectateur, laissant à chacun la responsabilité de la suite qu’il souhaite leur donner.

Parasite, de Bong Joon Ho. Avec Song Kang-Ho, Woo-sik Choi, Park So-Dam. Sortie le 5 juin 2019.

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