Cinéma

Alexandre – Ode à la grandeur

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“I fear this world is far larger than anyone dreamed of…
– A world if titans…”

Cet article est destiné aux amoureux de la Grèce antique, aux passionnés de conquêtes et aux adorateurs de reconstitutions historiques au sein du cinéma.

Alexandre le Grand est un personnage fascinant, inspirant et mythique. Comment un homme alors âgé de 20 ans il y a quelques 2300 ans réussit encore à faire fantasmer le monde entier ? Sûrement car il a commis une des plus grandes entreprises de conquête de l’histoire de l’humanité à laquelle seuls des hommes comme Genghis Khan ou Tamerlan peuvent se comparer. Non seulement il a conquis, mais il a profondément bouleversé l’équilibre géopolitique de l’époque et il a hellénisé l’Orient, héritage qui durera pendant des siècles.

C’est alors un défi de presque aussi grande envergure que de vouloir résumer l’œuvre et la vie de cet homme en un film. Oliver Stone a tenté le défi. Oliver Stone s’en est sorti avec brio. Je vais tâcher de démontrer que c’est un film qui a atteint ses objectifs et que l’on peut qualifier de « grand », à l’instar du personnage qu’il suit, tout en étant honnête intellectuellement et en soulignant les éventuels défauts dont souffre le long métrage. Allons-y.

C’est un bonheur de voir un péplum dans les années 2000. Alexandre fait partie de cette série de films au début du XXIème siècle qui ont redoré le blason du péplum, genre de films souvent considéré comme dépassé, propre aux années 60 et aux superproductions d’Hollywood. D’abord avec Gladiator, puis Alexandre, Agora d’Alexandre Aja, la série Rome de HBO pour ensuite donner des films plus commerciaux avec moins d’intérêts comme 300… Il n’empêche que ce genre renaît de ces cendres avec le nouveau siècle et cela fait particulièrement plaisir à des fans d’histoire antique comme j’en fais partie !

Le film est bordé par deux des plus grandes batailles d’Alexandre : Gaugamélès et l’Hydapse. A l’une il écrase l’armée Perse de Darius III et à l’autre il sort vainqueur face aux armées indiennes dans l’actuel Pakistan. Au fil de cette time-line il faut ajouter des flash-back qui nous font comprendre l’enfance et l’adolescence du roi, ainsi que sa relation avec sa mère et son père.  Cet enchaînement est assez linéaire et logique, bien qu’on puisse lui reprocher d’immenses ellipses. Oliver Stone ne s’attarde pas à préciser toute la conquête d’Alexandre au Levant puis en Egypte. Puis, une fois que ce dernier a pris l’empire Perse, le spectateur se fait directement téléporter dans les vallées sinueuses de la Bactriane (actuel Ouzbékistan et ses régions environnantes). Il n’est pas possible de tout traiter certes mais au premier visionnage j’ai été frustré de ces raccourcis.

Malgré cette time-line discutable, il faut s’émerveiller devant l’effort de reconstitution historique. Des palais aux costumes, en passant par la philosophie grecque et les formations militaires, ce film a produit un grand effort de reconstitution fidèle. L’exemple de la bataille de Gaugamélès est frappant : Oliver Stone a réussi à faire voir au spectateur la stratégie et la ruse dont ont fait preuve les Grecs pour défaire des forces perses cinq fois plus nombreuses.          

Outre cette dimension historique, il est nécessaire d’aborder le casting. On pourrait s’attendre à une piètre incarnation d’Alexandre, pourtant Colin Farrel donne naissance à un Alexandre tout à fait crédible. Il arrive à faire ressentir ses rêves de grandeur, sa frustration, sa déchirure entre Héphaïstion et Roxanne. Il incarne également les faiblesses du personnage, sa jalousie, sa paranoïa croissante ainsi que son ego. A cela il faut ajouter une Angelina Jolie qui joue sa mère (Olympias), comparable à une sorcière qui manigance ses complots dans l’ombre, pourtant elle fait tout pour le bien de son fils. Val Kilmer joue quant à lui son père, Philippe II de Macédoine, roi borgne et violent qui a soif de conquête et qui l’a formé aux arts de la guerre. Les personnages secondaires ont toute leur importance, ils viennent assister la beauté générale du film. Jared Leto joue l’aimant qui accompagne Alexandre dans ses conquêtes tandis que Rosario Dawson incarne Roxanne et explose l’écran avec sa beauté.

Une reconstitution historique parfaite, un casting incroyable, une épopée millénaire, que faut-il de plus ? Oliver Stone a décidé de faire appel à Vangelis pour réaliser la musique. Ce dernier a composé une musique littéralement épique qui accompagne les chevauchées vers l’Orient, à travers les déserts et les plaines scythiques… Au son il faut également souligner le travail remarquable de la photographie qui nous fait ressentir l’atmosphère ambiante, entre merveilles à Babylone, poussière à Gaugamélès ou bain de sang à l’Hydaspe avec des effets visuels rougeâtres.

En bref, ce film nous insuffle une puissance de vivre, une soif de conquête. Après l’avoir visionné, après avoir contemplé l’immensité de l’Hindu Kush aux côtés d’Alexandre appuyé sur son destrier, Bucéphale, on a l’impression d’avoir pris conscience de l’immensité du monde dans lequel on vit. On a envie de voyager successivement à Babylone, Persépolis, Samarcande et Kandahar. On a envie de chevaucher jusqu’en Bactriane afin de rencontrer Hadès aux champs Elysées. Voilà pourquoi ce film est génial, il réveille en nous cette fascination pour l’Orient qu’avait Alexandre lui-même, il réveille en nous notre esprit guerrier qui fait de nous les camarades de Cratère et Ptolémée. Il nous rappelle en somme la vacuité de notre existence actuelle.

Bref, sur ces belles paroles je m’en vais de ce pas à mon stage en marketing, histoire de bien me rappeler à quel point je n’ai rien accompli à 22 ans alors qu’Alexandre, lui, avait déjà presque conquis l’empire Achéménide.

“40 000 have come over eight years ago, and we marched out here, more than 10 000 miles, in the rain, in the sun, we fought for you.”

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