CinémaCritiques

Coma – Artificiel

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« Une adolescente a un pouvoir, celui de nous faire entrer dans ses rêves. Mais aussi dans ses cauchemars. Enfermée dans sa chambre, son seul rapport au monde extérieur est virtuel. Elle navigue entre fiction et réalité, guidée par une youtubeuse inquiétante et mystérieuse, Patricia Coma. »

Intrigués par ce synopsis, toute une équipe a eu la chance d’assister à une projection presse du dernier film de Bertrand Bonello, et nous remercions tout particulièrement l’équipe de distribution pour leur invitation. 

Mais ne vous attendez pas à un film de super-héros : on comprend vite que le pouvoir du personnage principal, celui de faire entrer les autres dans ses rêves… ne s’applique en fait qu’aux spectateurs du film. Le pouvoir de cette adolescente, c’est finalement d’être le personnage principal d’un film, et de nous emmener avec elle dans ses pensées chaotiques. 

Trop chaotiques, même. Le film évolue sur deux tableaux : les rêves de l’adolescente, et sa vie réelle, cloîtrée chez elle. On pourrait alors nous dire que certains passages particulièrement étranges sont le fruit d’un rêve : dès que l’on s’éloigne de la réalité, nous serions dans le songe. Mais le personnage principal semble quand même, de temps en temps, au bon vouloir du réalisateur, développer certains pouvoirs qui brouillent la frontière entre rêve et réalité : elle pourrait parler aux morts, serait dotée de réflexes surhumains lorsqu’elle joue à un jeu de mémoire… 

Tout devient alors confus, car plus que de brouiller la frontière entre rêve et réalité, Bonello nous fait sans cesse nous demander si le film accorde, ou non, des pouvoirs réels à l’adolescente que nous suivons, et ce n’est plus la limite entre rêve et réalité que le réalisateur brouille, mais le contour même de son personnage principal. Et ce n’est pas très agréable, d’être placé dans la tête d’une adolescente dont l’existence se délite (non pas dans le film, mais pour le spectateur : au sens extra-diégétique). Et là, l’argument facile et efficace du « mais en fait, c’était un rêve, débrouille-toi pour trier ! » qui fait la force de certains films ne marche plus. Parce que peut-être que c’est un rêve, mais peut-être aussi que c’est pas clair. 

Rapidement, devant ces deux interrogations (qui est le personnage, est-on dans son rêve ou sa réalité) simultanées, on arrête de se poser des questions, et assiste tour à tour à des spectacles de poupées, séquences de dessin animé, passages d’horreur dans une forêt, parties filmées de l’extérieur sur des caméras de surveillance, DIY de youtubeuse à succès et interrogations vaguement philosophiques sur le libre-arbitre… et autres pastilles qui perdent toute leur puissance lorsqu’on n’a plus envie de se poser de questions. 

Certes, le film se veut le miroir ce que vit une jeunesse enfermée dans des mondes virtuels (informatiques ou non), se protégeant d’un monde complexe et pesant. Il se veut « clair comme un geste », selon le mot de son réalisateur. Il existe des films clairs et complexes, qui nous interrogent sur leur capacité à créer autant de beauté avec si peu. Malheureusement, le film crée peu de beauté avec trop, et on ne veut pas approfondir. 

C’est qui, cette œuvre qui vise les jeunes, et qui nécessite plus d’exégèse que l’Evangile ? 

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