Cinéma

High Life : Une certaine conception de la science-fiction

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Un homme vit seul avec son nourrisson dans une navette spatiale perdue dans l’infini. Il est le dernier d’un groupe de condamnés, dont les peines de prison et sentences de mort ont été commuées en une mission incertaine pour trouver de nouvelles sources d’énergie. Le film revient sur leur périple.

Autant vous prévenir : High Life n’est pas une échappatoire pour le spectateur lassé de son quotidien qui espère aller rêver dans les étoiles. Les protagonistes emportent avec eux leurs pulsions humaines, leurs névroses terrestres, le poids de leurs crimes… c’est ce qui pourtant en fait un film fascinant.

Il s’agit bien de science-fiction, mais nombre de ses codes sont détournés. La mission passe au second plan, et le récit se concentre sur les relations tordues entre les protagonistes. Les expéditions hors du vaisseau s’annoncent épiques, mais sont désamorcées. Le vaisseau est un écosystème indépendant, mais les technologies ne sont jamais décrites, et ne servent qu’à insister sur l’isolement et l’angoisse de nos anti-héros : recyclage de l’urine, potager incongru, rituel médical aliénant. Claire Denis ne cherche ni le réalisme ni l’exactitude scientifique. Elle nous montre peu l’espace, et en donne une représentation très libre, puisqu’il est soit invisible, soit déformés, coloré et esthétisé. Aberration scientifique mais trouvaille esthétique à relever : les corps chutent – la mise en scène veut rester pesante. Les personnages sont confinés, frustrés, et ce sont ces sensations que nous devons partager.

Seuls, ils communiquent sans attendre de réponses avec un monde distant et même disparu tant ils en sont éloignés. L’environnement dans lequel ils évoluent est confiné, terne, défaillant, même la surprenante serre potagère est obscure et n’empêche pas le sentiment de claustrophobie. L’air est vicié, malsain, imprégné de sécrétions corporelles (autour desquelles l’action tourne probablement un peu trop et de façon inutilement obsessive), qu’elles soient rageusement évacuées dans la box aux plaisirs, sorte de chambre de masturbation, ou médicalement et presque pieusement prélevées.

Juliette Binoche, médecin de bord obsédée par les liquides séminaux des hommes du vaisseau, purge sa propre peine, investie d’une mission secondaire : permettre la naissance d’un enfant. La comédienne affirme s’être inspirée d’une déesse indienne dans sa préparation, pour un résultat marquant. Surnommée « la sorcière », elle en a les cheveux longs et noirs, les rituels malsains, mais y ajoute une fragilité et une démence aussi émouvantes que dérangeantes. À elle seule, elle explique l’interdiction du film au moins de 12 ans, pour une scène de masturbation particulièrement effrayante…

Robert Pattinson, lui, continue donc son entreprise initiée ces dernières années avec Cronenberg notamment, consistant à détruire son image de jeune premier pour construire une carrière indépendante et atypique. Son jeu, tantôt stoïque mais tendu, tantôt nerveux et violent, convient parfaitement à l’ambiance. Le simple fait de le voir dans ce genre de film est particulièrement plaisant.

Le résultat est dur, étrange, violent. Si la qualité cinématographique de l’œuvre est indéniable, tout le monde n’en appréciera pas l’expérience. La science-fiction aura été pour Claire Denis un procédé, permettant de pousser ses personnages plus loin que leurs derniers retranchements, de développer une mise en scène oppressante. Mais malgré la noirceur du film, son dénouement laisse le spectateur libre d’y voir une lueur d’espoir, une rédemption, un nouveau départ. Enfin, ça reste une interprétation…

8

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