Cinéma

BAC Nord (2) – Ma chérie, tu es à contre-sens

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La première critique de Luca, cinglante, ne m’a pas laissé indifférent et, interloqué si ce n’est offusqué, je n’ai pu m’empêcher de réagir. Saccadée, la première phrase de cette critique est à l’image de la première séquence du film et je conçois parfaitement que l’on puisse être crispé par ce choix stylistique, mais ce dernier sert un objectif bien précis dans ma critique et il me semble qu’il en va de même dans le film de Cédric Jimenez. Mon objectif : faire une analogie avec la scène introductive de Bac Nord. L’objectif de Jimenez : plonger le spectateur d’emblée dans l’action tendue, la voiture et la vie des trois policiers afin de créer un sentiment de proximité avec les protagonistes principaux. La shakycam peut donc paraître désagréable au début pour certains, mais elle a selon moi produit l’effet escompté, celui d’annoncer l’immense tension qui va dominer tout le film.

L’objectif ayant été atteint, je peux désormais reprendre cette critique dans un style un peu plus académique, tout comme Cédric Jimenez a poursuivi sa réalisation de manière plus classique. Je suis allé voir Bac Nord avec cinq amis, et lorsque nous sommes sortis de la salle obscure, notre réaction fut identique et unanime : nous étions abasourdis, en état de choc. Gilles Lellouche et ses coéquipiers n’ont pas mis de mandales qu’aux trafiquants de tortues du port de Marseille, ils ont aussi mis une belle claque aux spectateurs. La réalisation, le jeu des acteurs et le scénario servent un but commun, celui de tendre la corde de la tension au maximum avant que sa flèche n’atteigne le cœur de notre sensibilité. En dehors de toutes les considérations artistiques et politiques, desquelles je reparlerai plus bas, Bac Nord est un film qui nous fait vibrer et ressentir quelque chose au plus profond de notre être. Bien sûr, ce sentiment est subjectif, mais reste partagé par un grand nombre de ceux qui ont vu le film (il n’y a qu’à voir les notes des spectateurs sur AlloCiné). Or qu’est-ce qu’une bonne œuvre d’art si ce n’est une œuvre qui arrive à transmettre des émotions à ceux qui la contemplent ? J’ai beaucoup insisté sur la tension, mais cette dernière n’est pas étouffante car contrastée par des scènes drôles et pleines de bonne humeur. Je pense notamment à cette scène merveilleuse dans laquelle un jeune garçon des quartiers Nord commence par insulter allègrement les trois policiers qui l’avaient embarqué avant de chanter à tue-tête une chanson de Jul qui passait alors à la radio. Gilles Lellouche se met alors à monter le son, à accélérer et à slalomer entre les voitures, gyrophare hurlant. Cette scène est hilarante, touchante, parfaitement filmée, bref… mythique.

Revenons maintenant sur la portée politique du film. Elle existe, impossible de le nier. Toutefois, ceux qui prétendent que Bac Nord est éminemment pro-flic sont, il me semble, dans l’erreur. La portée politique du film de Cédric Jimenez est bien plus nuancée, il n’y a pas d’un côté les gentils flics, toujours victimes, et de l’autre les méchants habitants des quartiers Nord. La scène avec le jeune garçon décrite ci-dessus illustre bien que derrière la haine latente qui sépare les flics des habitants des quartiers Nord se cachent des êtres humains qui partagent la même passion pour la musique et l’ivresse de la vitesse.

Enfin, la réalisation est selon moi loin d’être désastreuse. Le montage et les mouvements de caméra parviennent à nous plonger dans l’ambiance tendue du commissariat et celle chaotique des quartiers Nord de Marseille. Je trouve également notre cher Luca extrêmement sévère avec les acteurs. Certes, Gilles Lellouche crie énormément et fronce beaucoup les sourcils, mais pour une fois que son jeu primaire sert l’incarnation de son personnage, lequel se veut primaire dans ses réactions, il me semble qu’il serait bon d’être indulgent avec lui. Sinon, il ne lui reste plus grand-chose à ce tendre Gilles. Je ne suis pas un habitué de la Cannebière, ce qui doit expliquer que je n’ai pas été mis mal à l’aise par l’accent de François Civil. Mais hormis ce détail, je l’ai trouvé plutôt bon, dédié à son rôle, du moins physiquement. Un point sur lequel nous sommes d’accord avec Luca cependant (et sans doute ce point fait-il consensus chez tous les êtres masculins de ce bas monde), c’est la beauté enivrante et le charisme d’Adèle Exarchopoulos qui explose tout simplement l’écran.

En guise de conclusion, les premiers lyrics de Bande organisée, entonnés par la voix suave de SCH, qui résument très bien à la fois Bac Nord et cette contre-critique :

« Oui, ma gâtée, RS4 gris nardo, bien sûr qu’ils m’ont raté (gros, bien sûr)
Soleil dans la bulle, sur le Prado, Shifter pro’ (Shifter pro’)
Contre-sens (ah), ma chérie, tu es à contre-sens »

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