Cinéma

Ad Astra, une étrange expédition

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Roy McBride, astronaute aux qualités exceptionnelles, se voit chargé de reprendre contact avec son père, véritable légende de l’exploration spatiale, disparu seize ans plus tôt lors d’une mission aux confins du système solaire. Ce dernier est soupçonné d’être à l’origine d’ondes de chocs heurtant régulièrement la terre avec une force dangereusement croissante…

James Gray nous avait déjà surpris en 2016 ; pour la première fois, il quittait New York, ville de ses cinq premiers films, pour explorer la jungle amazonienne avec The Lost City of Z. C’était peut-être encore trop proche pour lui ; le voilà qui embarque pour l’espace, et nous avec lui.

Ad Astra partage avec son prédécesseur un autre point commun : une dimension très métaphysique. Mais c’est là qu’il déstabilise. Car si la portée philosophique du film est louable, elle s’opère dans un cadre étrange, qui mêle une grande élégance formelle à une accumulation de poncifs dont la cohabitation ne s’explique pas. On comprend l’idée de revisiter un genre, qui implique nécessairement de réemployer ses codes ; mais certaines scènes sont pétries de clichés (contenu, dialogues…), à commencer par cet assez gênant briefing lors duquel Brad Pitt est informé de sa mission, ou, plus grave, certains des points culminants de la progression dramatiques. L’admiration quasi fanatique de l’auteur de ces lignes pour Brad Pitt ne l’a pas empêché de faire la moue devant certaines larmes de crocodiles…

Et pourtant, il faut bien reconnaître que se dégage du film une aura toute particulière. Le charisme mélancolique et faussement insensible de Brad Pitt, même si l’on sait qu’il n’est qu’une façade destinée à se briser, parvient à émouvoir. On a beau s’attendre à ce que l’on nous serve les séquences impressionnantes qui accompagnent nécessairement un film dans l’espace, celles-ci coupent le souffle. La réflexion sur la solitude, tout en étant menée de façon très claire, met habilement en parallèle la place de l’homme dans l’univers et celle qu’il occupe parmi ses semblables. Et l’on finit par accomplir avec Brad Pitt ce voyage dont on ne sait pas véritablement où il mène, accompagné par cette étrange voix-off, ces évènements impromptus, et les motifs visuels souvent fascinants qui le rythment : reflets dans les visières, mains tendues…

Sans aller aussi loin qu’une Claire Denis, dont High Life était une pure expérience de déstabilisation, James Gray joue aussi à nous livrer sa version à lui du film spatial, celle d’un auteur certes, mais en conservant bien des codes du genre, sûrement un peu trop. Il en résulte une expérience qui n’est probablement pas celle pour laquelle les nombreux spectateurs, attirés par l’interprète, le thème et le marketing du film, avaient signé. Ce qui peut être une bonne comme une mauvaise surprise.

 

Ad Astra, de James Gray. Avec Brad Pitt, Tommy Lee Jones, Ruth Negga, Donald Sutherland. 2019.

 

7.5

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