Articles

World Trade Center – New York, l’Amérique et le cinéma

0

Elles sont là, les deux tours se dressant dans un ciel d’or au-dessus de Manhattan. Nous sommes en 1987, Oliver Stone ouvre Wall Street sur le World Trade Center, comme une évocation de la réussite financière et capitaliste d’une société et d’une ville au fait de sa puissance et de son rayonnement. Il y a de quoi être ébloui en tant que spectateur face à la simplicité et à la force du symbole, en plus du pouvoir évocateur d’un lieu qui situe une histoire et un contexte.
Parmi la centaine de films qui s’ouvrent sur les Twin Towers, il serait difficile de déterminer lequel capture le plus directement la multiplicité des émotions que ces deux édifices peuvent susciter. En lieu et place d’une critique à proprement parler, cet article est donc un portrait chinois de ce lieu si particulier, vu à travers le prisme du cinéma, avec ce que cela peut ouvrir comme points de vue et perspectives variées.

Du caractère si évocateur des Twin Towers vient une première idée, celle d’un rêve de gigantisme, avec peut-être l’idée que l’humain n’a plus sa place dans une telle Babel d’acier. Et pourtant, tout là-haut, en 1974, un homme se tient debout au-dessus du vide et toise les deux tours du regard.
De l’épopée du funambule français Philippe Petit à la conquête du World Trade Center, il reste aujourd’hui Man on Wire, Oscar du meilleur documentaire 2009, pour se souvenir qu’en premier lieu, les Twin Towers sont au cinéma une ouverture vers l’impossible, une forme d’épopée poétique à l’âge de la modernité et de l’efficacité. James Marsh, à l’aide des témoignages des protagonistes ainsi que des quelques images archives, dépeint un thriller de futiles et pourtant si belles ambitions.
Man on Wire a tout d’un pied de nez en tant que réappropriation d’un lieu, dans l’esprit d’un homme puis dans la réalité matérielle. C’est dans le détournement que naît ainsi la valeur symbolique du World Trade Center, et avec elle, l’ampleur dramatique que son effondrement a suscitée.
Car si à travers Man on Wire, c’est la mémoire vertigineuse d’un rêve qui était mise en scène, les Twin Towers sont, par la force des choses, le réceptacle des traumatismes de l’Amérique de l’après 11 septembre.

En tant que cinéaste quasi officiel de la mémoire américaine, Oliver Stone boucle alors la boucle entamée avec Wall Street lorsqu’en 2006 sort World Trade Center. Loin des golden boys de la finance et des escroqueries de Wall Street, ce sont les destins liés et enchevêtrés sous les décombres qui sont ici l’enjeu des souvenirs. World Trade Center est un hommage à ceux qui sont morts et à ceux qui ont essayé de les sauver. Et même si d’un point de vue extérieur, tout ceci a des airs de communion patriotique à la sauce hollywoodienne, c’est bien cette capacité inattendue à incarner l’union triste d’une nation traumatisée qui constitue le deuxième volet de ce portrait chinois.
World Trade Center est un rappel de l’importance de l’idée du destin américain, avec ses réussites et ses échecs, avec la superbe et l’exubérance qui font l’image des Etats-Unis, et ceci peu importe la qualité intrinsèque du long-métrage.
Au-delà de la défense du patriotisme et de l’unité américaine, le World Trade Center fait office de symbole cathartique, à travers l’expression d’un regret immense et d’un monde révolu, auquel il est nécessaire de faire ses adieux. Les Twin Towers représentent un New York révolu, que ses habitants continuent à aimer en souvenir.

A la croisée de l’acceptation et l’hommage, The 25th Hour de Spike Lee se présente comme un dernier regard en direction de ce qui fait la sève de New York, meurtrie et inquiète. En s’ouvrant par un hommage aux tours disparues mais qui s’élèvent toujours comme deux rayons de lumière dans la nuit, The 25th Hour regarde vers une liberté et une insouciance perdue, à la rencontre de la destinée de son personnage principal, incarné par un Edward Norton au summum de la justesse, condamné à sept ans de prison passant sa dernière journée de liberté à contempler l’énormité du sacrifice à accomplir.
Spike Lee profite de cette occasion pour montrer son amour pour ce qui fait New York et ne s’effondrera jamais, en un regard caméra et une série d’insultes à l’encontre de tous les New Yorkais, dans un moment d’introspection parmi les plus beaux qu’on ait fait au cinéma. Car de la tragédie émerge l’humanité d’une ville et de ses habitants, comme si l’effondrement dévoilait une authenticité qui n’attendait que d’être montrée.

A l’orée du vingtième anniversaire du 11 septembre, c’est donc à travers cette ambiguïté des symboles multiples et des émotions contraires que continue à vivre le World Trade Center, dans les mémoires et au Sud de Manhattan, maintenant que s’élève un nouveau gratte-ciel, et que 500 mètres plus bas, les noms de ceux qui sont morts sont inscrits devant deux fosses béantes. Il donne à contempler les paradoxes d’une ville et d’un pays, au-delà des images et des préjugés, et par le cinéma, il révèle l’intimité des consciences de ceux qui ont vécu le World Trade Center, avant et après la tragédie, en espérant que, plus jamais cela ne se reproduise.

BAC Nord (1) – On l’appelle l’ovni

Previous article

Dune – Le dormeur doit se réveiller

Next article

Comments

Comments are closed.

Login/Sign up