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Les plateformes de streaming sont-elles synonymes de standardisation culturelle ?

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Les contenus disponibles en ligne se multiplient mais pourtant ils sont tous assez similaires. Un genre se distingue particulièrement, c’est le cinéma américain qui se décline en films ou en séries. On peut alors craindre que cela menace la diversité de nos contenus audiovisuels.

François Aymé, président de l’AFCAE (Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai), a publié un édito en mars 2019 à charge contre l’uniformisation des contenus proposés par les plateformes. Pour prolonger son propos, cette uniformisation s’explique par la domination du marché par un oligopole, composé de Disney +, Netflix, Amazon Prime, ou encore Apple TV + : les acteurs dominants du secteur sont tous issus des plus grandes firmes américaines. Ils favorisent dès lors le cinéma qu’ils connaissent, c’est-à-dire celui d’Hollywood avec ses codes et ses acteurs.

Mais on peut aller encore plus loin dans la critique comme le fait François Aymé. En effet, on pourrait répondre que les plateformes, puisqu’elles investissent également dans la production de films d’auteur d’origines diverses, ce sur quoi elles communiquent beaucoup, cherchent tout de même à favoriser la diversité culturelle de leurs contenus. François Aymé critique également ces stratégies, qui consistent à mettre en ligne une certaine quantité de films d’auteurs pour montrer une prétendue bonne volonté. D’après une étude du CNC de 2018, l’écrasante majorité des 5 millions d’utilisateurs de Netflix en France ne s’intéresserait aucunement au cinéma d’auteur, et regarderaient quoi qu’il en soit principalement des production américaines. Il y a, de fait, une déperdition du visionnage de films français sur ces plateformes vis-à-vis de la part qu’ils ont dans le cinéma français en général. En ce qui concerne les ventes de places de cinéma en France, la part du cinéma européen est de 53 %, taux dont on est aujourd’hui bien loin sur les plateformes de streaming, d’après les propos de M. Aymé. Le nouveau partenariat conclu par Netflix en avril 2020 avec la société de distribution MK2 est censé enrichir la plateforme de films classiques du cinéma français, dont la saga Antoine Doinel de François Truffaut, mais si les abonnés ne regardent pas ces programmes, leur ajout n’aura pas d’effet sur le visionnage de films français.

Les productions de ces plateformes s’adaptent parfois au pays d’origine, c’est le cas de Netflix qui investit assez massivement dans des contenus propres à chaque pays, avec par exemple 100 millions d’euros en France en 2018. Néanmoins, au plan artistique, il semble que l’on assiste bien à une standardisation des contenus puisque ceux-ci sont calqués sur le modèle américain. C’est certainement pour cette raison que la série La Casa de Papel, dont les auteurs et les acteurs sont espagnols, est réalisée comme un film de braquage typiquement américain et a eu le succès qu’on lui connaît. On peut penser dès lors qu’on se dirige, si on laisse toute liberté aux géants du streaming américain, vers la limitation des contenus à une « recette de films qui marchent » qu’il suffirait d’appliquer pour capter une grande partie de l’audience disponible. Il faut alors espérer que la réouverture des salles obscures après la fin de la crise du coronavirus permettra de rééquilibrer les contenus que l’on peut voir. C’est également la responsabilité des États de promouvoir, via différentes taxes puis subventions, un cinéma original et particulier.

 

 

 

Mathieu Bonnet
Rédacteur en chef de la Cinemat'HEC pour l'année 2020-2021.

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