Cinéma

Oxygène – Manque pas d’air

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En attendant, avec grande impatience, la réouverture prochaine des salles, certains cinéastes dévoilent leurs derniers ouvrages via les plateformes de streaming. Alexandre Aja, connu pour avoir rejoint les récifs hollywoodiens dans l’espoir d’un intérêt plus prononcé pour son cinéma de genre, a trouvé grâce aux yeux de Netflix. Comme à l’accoutumée, la liberté artistique offerte par la plateforme, alliée au budget conséquent qu’elle assure, ont su convaincre le cinéaste. Il est d’usage de critiquer le cinéma français pour sa monotonie, son manque de variété, et il est certain qu’entre les drames sociaux et les comédies familiales, la place faite au cinéma de genre est plus que marginale. Aja n’a d’ailleurs jamais retenu ses critiques à l’égard de ce monde qu’il juge trop cloisonné et obtus. Le cinéma français pourrait aisément lui répondre que si c’est pour nous produire Oxygène, c’est vraiment pas la peine.

Oxygène est un ratage d’envergure, qui réussit l’exploit notable d’être un échec sur à peu près tous les plans. Mais prenons les choses dans l’ordre. Nous suivons donc l’histoire de Mélanie Laurent en panique dans une capsule. Si a priori le pitch ne vous séduit pas, soyez certain que le reste n’est pas plus intéressant. Puisque Mélanie Laurent n’a plus souvenir de son identité, ou de ce qui l’a amenée à se trouver dans une capsule « de cryogénisation », tout l’enjeu du film sera pour elle d’en apprendre plus sur cette situation pour le moins déroutante, et d’essayer – ou pas – de sortir de ladite capsule. Aja fait ici le choix du thriller claustrophobique, et enferme le spectateur 1h40 durant dans une boîte, en espérant lui faire ressentir quelques sensations. Hélas pour lui, il eût fallu pour cela quelque talent.

Mais ne commençons pas par accabler ce pauvre Aja d’emblée, et tentons d’abord de déceler au cœur de la catastrophe quelques lueurs. Etonnamment, Mélanie Laurent s’avère réellement efficace. Qui l’eût cru ? Elle qui avait su rendre jusqu’à certaines scènes de Tarantino pénibles dans Inglourious Basterds – ce qui est un exploit en soi – est ici au rendez-vous, et sait rendre la détresse de son personnage. Le problème n’est pas dans la performance, donc, somme toute vraiment convaincante. Le problème, c’est que cette performance n’est mise au service de rien. Le personnage dispose de la profondeur psychologique d’un ectoplasme, et les dialogues sont si balourds qu’ils témoignent d’un véritable mépris de l’écriture. On notera tout de même la tentative, par moments, de retranscrire cinématographiquement l’état psychique d’un personnage aux souvenirs se mêlant, aux perceptions confuses, mais rien qui ne puisse extirper le tout d’une platitude envahissante. Inutile par ailleurs de chercher refuge dans la conduite du récit qui verse elle aussi dans le ridicule, à grands renforts de twists anodins et de sensibleries oubliables.

Aussi me direz-vous que l’écriture des personnages ou du récit est la plupart du temps secondaire dans de telles séries B, et qu’elle ne doit être qu’un efficace moyen de projeter des images fortes, et par-là d’appliquer une mise en scène de qualité – ce à quoi je répondrais que je suis bien d’accord. Malheureusement pour notre cher Alexandre, de mise en scène il n’est rien dans Oxygène. Les quelques tentatives sont hélas noyées dans un amas plat et sans envergure, qui tient plus du marasme que du réel essai claustrophobique. Le motif de départ était pourtant prometteur, le sujet claustrophobique ayant été traité moult fois au cinéma, et parfois avec éclat – Kill Bill : Vol. 2, dans le cercueil. D’autant plus qu’Alexandre Aja a su démontrer par le passé ses qualités de formaliste pur. Lui qui, dans les 30 premières minutes de Haute Tension, avait fait montre d’une maîtrise sensible de ses effets, semble ici totalement dépourvu de tout sens visuel, si bien que la tension est générée de manière piteusement factice : gros crescendo de tout l’orchestre qui vient de se réveiller, jump-scares sortis de nulle part, etc.

Oxygène est donc une croûte qui finira asphyxiée par l’algorithme, le piètre ouvrage d’un faiseur habituellement talentueux mais ici complètement à la ramasse. Quelques très légères lueurs ne sauraient camoufler l’ampleur du désastre, dont le plus grand mérite est d’être oubliable très rapidement. La critique est peut-être acerbe, mais c’est qu’Aja nous avait tout de même habitué à mieux. Aussi, le spectateur téméraire qui souhaiterait se frotter au genre horrifique se tournera bien plus volontiers vers son remake de La colline a des yeux – disponible sur Canal ou Disney + – qui est tout ce qu’Oxygène n’est pas : parfois véritablement asphyxiant, délicieusement macabre et tout à fait percutant, un vrai bon film de genre. 

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Luca Mongai
Rédacteur en chef de la Cinémat'HEC pour l'année 2021-2022.

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