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Exposition Vampires à la cinémathèque : pour les mordus, mais pas que…

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« C’est la plus grande exposition sur les vampires dans le cinéma qui ait jamais été faite », tels sont les mots que nous pouvons entendre actuellement à la Cinémathèque française pour décrire l’exposition « Vampires de Dracula à Buffy » qui continuera jusqu’au 19 janvier 2020. Vaste programme tant les vampires, autrefois reclus dans les lointaines contrées transylvaniennes et dans les classiques de la littérature, ont envahi nos grands et petits écrans en s’intégrant toujours plus dans la culture populaire du monde entier.

Cette exposition a le mérite de rappeler aux néophytes ce que sont les vampires et quelle a été leur genèse. Du monstrueux Vlad Tepes à l’horrible Dracula il n’y a qu’une déclinaison de la terreur que permet de mettre en valeur cette exposition. La genèse du vampire est alors clairement expliquée, le néophyte n’est pas perdu et il comprend ce qu’a été ce monstre sanguinaire, bien avant Twilight et autre teen movies.

On pourra apprécier que cette exposition laisse une belle place à la comparaison entre le Nosferatu de Murnau, véritable matrice originelle du genre, et le remake de Werner Herzog, qui donne une autre image de ce vampire étrange, loin de celle, d’Épinal, que l’on en a généralement. Cette exposition permet de reconsidérer le film de Herzog et de comprendre son intérêt : ce n’est pas seulement un film de vampires, mais plutôt une fable sur la solitude et la perdition de l’homme, ce qui donne au tout des accents très faustiens. Les explications sont bien faites et laissent la part belle aux accessoires et photos de tournage.

Les classiques du genre sont bien traités et documentés à l’instar des films où Dracula est interprété par les mythiques Bela Lugosi et Christopher Lee. On présente ici ces films sans fioriture, ce sont des étapes importantes dans la transformation du monstre. Mais l’exposition souligne également à raison que ces monstres sont souvent, pour les réalisateurs et scénaristes, une parabole des travers de notre société. Comme le notait déjà Voltaire à la fin du XVIIIème siècle, le vampire est une figure politique qui dénonce l’extorsion des richesses par l’Etat ou par les bourgeois.

Mais cette vague contestataire est aujourd’hui passée au second plan et le vampire est devenu, sur le modèle de Dracula, mort et heureux de l’être, film parodique de Mel Brooks, un monstre d’humour.  Cette dimension a été largement intégrée dans la culture populaire grâce aux publicités qui tournent en dérision le vampire pour ses spécificités : peur du soleil, dégoût pour l’ail ou bien encore invisibilité dans un miroir. Si la Cinémathèque oppose cette dimension à la figure traditionnelle du vampire qui persiste dans sa terreur dans les bandes dessinées et autres comics elle oublie la persistance de ce modèle dans les jeux vidéo, où l’on préfère encore montrer le vampire sous son aspect horrifique.

On peut aussi louer les tentatives de la Cinémathèque d’élargir nos perspectives du film et de ne pas se limiter au cinéma occidental. Si le thème principal reste le vampire européen, d’aucuns pourraient découvrir que les cultures et films asiatiques et africains représentent souvent la figure du vampire. Les films coréens sont bien mis en avant et cette vision internationale montre que la peur de la mort, qu’incarne le vampire, ne connaît pas de frontières.

Même si c’est la plus grande exposition sur le sujet, il s’avère que la taille de l’exposition est réduite et l’on ne peut parfois découvrir ses films préférés sur ce thème qu’au détour d’une photographie ou d’un extrait. Les figures subversives des films de Jarmusch ou Romero sont ainsi peu abordées et l’on ne doit pas s’attendre à une analyse approfondie de ces exceptions. Pour améliorer l’exposition on aurait pu évoquer de manière plus profonde la genèse compliquée des films de vampires : ce sont souvent des moyens et long-métrages qui demandent un budget conséquent que seuls certains privilégiés peuvent se permettre. Ainsi, il est compliqué d’atteindre la classe et le chic du Dracula de Coppola si l’on n’a pas assez de moyens. Le film de vampire est très souvent condamné à une sortie limitée en salle ou alors à une sortie directe en VOD.  A l’instar des films de la Hammer après la période faste des premiers films de Christopher Lee, on ne voit souvent qu’un acteur très maquillé dont le cabotinage annihile la portée qu’aurait pu avoir le film. Afin d’atteindre son public, le vampire a donc plus souvent utilisé son ridicule que ses canines, ce qui a enrichi le genre de productions de moindre envergure.

Finalement, l’exposition est une réussite puisqu’elle permet de rendre ce genre accessible à tous et nous ouvre culturellement sur le phénomène mondial qu’est le vampire. Si l’exposition pourrait encore être enrichie, elle est déjà une belle ode à ce cinéma particulier qui est en passe de devenir, comme son principal protagoniste, immortel.

Exposition Vampires, de Dracula à Buffy, jusqu’au 19 janvier 2020 à la cinémathèque française.

Mathieu Bonnet
Rédacteur en chef de la Cinemat'HEC pour l'année 2020-2021.

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