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Le Loup-garou de Londres : à l’ombre de la pleine Lune

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À mi-chemin entre horreur et comédie, le cinquième long-métrage de John Landis, sorti en 1981, a acquis au fil des décennies le statut de film culte. La capitale britannique devient le temps d’une heure et demie le terrain de jeu d’une créature aussi féroce qu’angoissante et révèle au spectateur les affres de l’humanité, avec une liberté de ton chère au réalisateur américain. Chef-d’œuvre inclassable, Le Loup-garou de Londres a marqué une génération – dont de grands réalisateurs tel Edgar Wright –et trouve sa place au panthéon des films de lycanthropes.

David et Jack sont deux globe-trotters new-yorkais, avides de découvertex et décidés à sillonner l’Europe. Alors qu’ils se promènent dans un parc naturel du Nord de l’Angleterre et qu’ils prévoient de partir à Rome prochainement, ils s’arrêtent à la tombée de la nuit dans un pub étrange, Slaughtered Lamb. Froidement accueillis par les clients puis chassés du lieu suite à une question visiblement trop osée de Jack par rapport à un pentagramme tracé sur le mur, ils se retrouvent à errer la nuit à l’orée de la forêt, jusqu’à qu’une mystérieuse créature se jette sur eux et dévore Jack avant d’être abattue par les habitants du village. Trois semaines plus tard, David se réveille à l’hôpital, où il tombe sous le charme d’Alex, l’infirmière qui s’occupe de lui. Mais son état mental est inquiétant et lui comme ceux qui l’entourent ne sont pas au bout de leurs surprises…

L’élément principiel du film réside sans doute dans le décalage permanent qui s’en dégage. Décalage géographique et culturel d’abord, entre les deux backpackers américains et l’atmosphère si caractéristique de la Grande-Bretagne, puis entre la froideur et l’inhospitalité de la campagne landaise et la magnificence de la capitale. Choisie car « ville de Jack L’Eventreur et de Mr. Jekyll & Dr. Hyde » selon les dires de John Landis lui-même, Londres est apprivoisée comme rarement et exploitée dans tout ce qu’elle recèle de particulier. De ses faubourgs huppés jusqu’aux rives mal famées de la Tamise en passant par le célèbre underground, le Loup-garou sévit partout et n’épargne personne. Décalage ensuite entre l’homme et l’animal, sans aucune prétention philosophique mais avec un regard doux-amer, teinté d’une bienveillance à l’égard de personnages puissamment interprétés par le trio d’acteurs – Jenny Agutter, David Naughton & Griffin Dunne. Décalage enfin entre l’horreur explicite du métrage et la dimension comique que lui donne le cinéaste américain. C’est sur ce dernier point que le film prend d’ailleurs toute son ampleur : le torrent horrifique, électrisé par la ténébreuse nuit londonienne, et le souffle comique se mêlent parfaitement et rend la violence sanglante beaucoup plus acceptable. En faisant de son œuvre un film que l’on ne peut facilement catégoriser, au risque de se risquer à la vague appellation de « comédie horrifique », John Landis a sans doute décuplé sa résonance, qui, il faut le reconnaître, reste partiellement générationnelle.

Mais c’est par la mise en scène du réalisateur américain que le film fait fort et imprime sa marque le plus durablement dans les esprits. Les moments marquants – les séquences au pub ou à l’hôpital, mais surtout la scène de transformation – cadencent le long-métrage, accompagnés par la BO composée par Elmer Bernstein connu notamment pour ses participations à l’âge du Nouvel Hollywood mais aussi plus tard (S.O.S Fantômes). Et là où le film entre au panthéon du cinéma de genre, c’est grâce à un dernier point essentiel, que l’on ne saurait négliger tant il ressort naturellement du Loup-garou de Londres : le maquillage du talentueux Rick Baker. Récipiendaire de l’Oscar en 1982 pour ce film, l’artiste américain transforme l’œuvre par son travail, que ce soit dans l’allure du Loup-garou évidemment, mais également – SPOILER – dans celle du mort-vivant qui revient hanter son ami au long du film. L’effrayante physionomie du lycanthrope, dont l’unique préoccupation instinctive est mortifère, lui est due et constitue un aspect incontournable de l’œuvre.

Original et jouissif, Le Loup-garou de Londres s’impose comme une référence de la comédie horrifique et trace un chemin pour toute une série de films qui tenteront de s’inscrire dans les interstices entre les genres, aux confluents d’inspirations diverses. Le cocktail entre la verve naturelle de John Landis et l’indubitable talent du maquilleur Rick Baker donne une saveur particulière à un film certes ancré dans son époque, mais doté du charme puissant des œuvres antérieures à l’avènement du numérique. Le Loup-garou de Londres est un voyage dans les ténèbres britanniques, où la créature effrontée se brise sur une société toute aussi tourmentée, sous les yeux enchantés de son auteur.

 

Disponible en VOD.

8

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