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Ressortie de la trilogie des morts-vivants de George Romero : retour aux sources zombifiques

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La ressortie en version restaurée des trois films de George Romero que sont La Nuit des morts-vivants (Night of the Living Dead), Zombie (Dawn of the Dead) et Le jour des morts-vivants (Day of the Dead) offre une alternative pertinente à Retour à Zombieland, et donne l’occasion de se replonger dans les sources d’un genre.

D’abord parce que, même si les films de Romero ne sont pas les premiers à mettre en scène les cadavres ressuscités qui font aujourd’hui partie intégrante du bestiaire horrifique, ce sont néanmoins les œuvres qui construisent sa mythologie. Elles établissent les codes du récit comme de la représentation : les survivants qui suite à une catastrophe se retrouvent en lutte contre des hordes toujours plus nombreuses de zombies lents, qui grognent, dont la morsure contamine, qui ne meurent que si on les décapite, etc. Autant d’éléments qu’on retrouve à chaque film de zombie, avec des variations plus ou moins importantes. Malheureusement, loin de ce qu’en a fait Romero, leur réutilisation ne constitue bien souvent qu’une coquille vide.

Car voir ou revoir ces films, ce n’est pas simplement effectuer un voyage culturel ou touristique à l’origine d’une figure de la pop-culture. C’est se souvenir ou prendre conscience que le film de zombie n’est pas qu’un pur divertissement, que les créatures qu’il met en scène sont éminemment politiques, et constituent un outil de revendication et de critique extrêmement vindicatives entre les mains du réalisateur. Car d’une part, si la tension et l’enjeu de la survie nous captivent, si les élans gores nous fascinent, si les déferlements de violence nous défoulent, ce sont là autant d’éléments troubles qui jouent avec nos pulsions et les dénoncent autant qu’elles les satisfont. Et d’autre part, elles sont toujours au service d’une réflexion sur le monde réel, celui qui par comparaison semble bien se porter, mais dont les travers se trouvent exacerbés par la déformation grotesque proposée par la fiction.

Dans cette trilogie dont les épisodes sont indépendants et pourtant se suivent, chaque film s’attaque à un sujet précis. Le plus intéressant reste le premier, La nuit de morts-vivants, sorti en 1968 : le spectateur commence un petit film sans moyens vaguement horrifique avec l’idée de se procurer quelques frissons, il en ressort secoué par une œuvre militante, bien plus amère et dure dans son propos que violente dans sa forme, véritable dénonciation des travers de l’Amérique, de sa folie des armes et surtout de son racisme. Suit Zombie, en 1978 : l’action se situe dans un grand magasin, temple du consumérisme, où des créatures encore hantées par leurs pulsions humaines se ruent sur les étals autant que sur les survivants. Enfin, Le jour des morts-vivants, en 1985, dénonce le militarisme et la misogyne qui structurent la microsociété de survivants réfugiés dans un bunker.

Les films de Romero sont plus contemporains qu’on ne le pense : ils montrent la folie meurtrière qui peut s’emparer des hommes, l’incapacité des forces politiques à réagir à une crise, les débats stériles et sans fins mis en scène par la télévision, l’incrédulité face aux consensus scientifiques… Certains réalisateurs voient bien en quoi le zombie évoque les défauts intemporels de notre espèce, ce qui le rend perpétuellement et tristement d’actualité. Jim Jarmusch dans The Dead Don’t Die sorti cette année proposait une parabole sur le changement climatique. Avec Atlantique, actuellement en salles, Mati Diop évoque avec ses revenants le drame des migrants. On peut donc penser, malheureusement, que le film de zombie a encore de beaux jours devant lui…

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