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Léviathan : le renouveau du cinéma russe

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Ce film, sorti en 2014 à l’international, a marqué le cinéma russe actuel en le représentant dans de nombreux festivals à l’étranger. C’est ainsi qu’il a reçu le prix du meilleur scénario au festival de Cannes ou encore le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère. Le long-métrage ne sortira que l’année d’après dans sa mère patrie et ce sera dans une version épurée puisque de nombreuses insultes ont été coupées au montage.

 

Ce n’est pas sans raison si ce film a rencontré un succès international et représente dignement le cinéma russe contemporain. Ce scénario, récompensé à raison, narre l’histoire de la famille de Kolia qui se retrouve expropriée de sa maison par la mairie, qui souhaite y construire un bâtiment jugé d’utilité publique. La bataille juridique menée par la famille se trouve être un échec et la décision paraît être immuable malgré l’aide de Dmitri, avocat venu de Moscou et ami de Kolia. L’histoire est bien menée et les rebondissements sont multiples du fait de la nature plurielle de ce film. En effet, il est difficile de classer Léviathan dans un genre cinématographique, ce film de Andreï Zviaguintsev semble être d’abord un drame social avant de se mêler au polar et de finir par une histoire de mœurs. Il est appréciable de voir ce mélange des genres mené avec brio. Cela permet de casser les schémas tout tracés du cinéma d’Europe de l’Ouest ou des Etats-Unis. Là où le cinéma russe se contente parfois de copier ce que font les autres pays, il y a ici une véritable originalité dans le choix de l’histoire. La réalisation est élégante mais se complait dans le minimalisme afin de ne pas ajouter des fioritures innécessaires au récit.  Quant à l’image, elle est belle, froide, afin de nous rappeller le dur climat du nord de la Russie.

 

Mais ce film est également intéressant ainsi qu’instructif au niveau politique puisqu’il parle du régime russe et philosophe sur l’État en tant que concept. Chaque ancien lycée averti doit se souvenir de la théorie du Léviathan de Hobbes et de cet accord implicite passé par le citoyen qui, en échange de la paix sociale, délègue une grande partie de sa liberté à l’État, qui exerce alors un pouvoir d’autorité sur les individus. C’est donc bien à cela que fait référence le titre du film, et la critique sous-jacente de l’État russe est évidente. Si le pouvoir et la bureaucratie sont ici dénoncés, c’est bien la version russe et post-soviétique qui subit les foudre de Zviaguintsev. L’État est décrit comme mafieux, corrompu, et inapte à diriger les citoyens. C’est pourtant à un échellon moindre que l’on se situe, celui d’une commune. Or l’on voit déjà la porosité entre le pouvoir judiciaire via la procureuse, le clergé avec le pope et bien sûr l’exécutif avec le maire de la ville. Ce dernier tient plutôt des personnages mafieux incarnés par Robert de Niro que du bon samaritain. Les processus de décision juridiques sont donc biaisés ce qui forcera Kolia et sa famille à tenter d’utiliser des moyens de pression alternatifs.

 

Ce film est donc à conseiller, à voir et à revoir car il s’impose comme un des monuments du cinéma russe actuel. Il est important de le visionner au moins une fois afin de prendre connaissance de ce témoignage de la vie dans la Russie post-URSS.

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Mathieu Bonnet
Rédacteur en chef de la Cinemat'HEC pour l'année 2020-2021.

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