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Play ou le plongeon dans ta jeunesse

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« Qu’est-ce qu’on achète ? De la 8.6 ça bourre plus vite ! Du rosé sinon ? Toi, ta gueule avec ton rosé, on va pas boire ça ! Après on va pas se mentir, le plus important c’est de pas manger avant ! » 

Non ceci n’est pas seulement le résumé de votre dernière soirée (qui remonte à loin en ces temps troublés), c’est aussi celle de Max, personnage central de Play qui a passé toute sa jeunesse à la filmer et qui nous invite à replonger dedans alors qu’il a maintenant plus de 30 ans. Play est le film d’un grand gamin désabusé. Il n’est certainement plus en salle mais il est sorti en VOD et il ne faut pas le laisser disparaître dans le tourbillon des sorties. Max Boublil nous fait voyager dans sa jeunesse, dans une jeunesse qui est un peu la mienne et sûrement beaucoup la vôtre. Bon voyage, vous n’êtes pas prêts.

A 13 ans, Max se voit offrir un caméscope par papa (Alain Chabat) et maman (Noémie Lvovsky), de bien chouettes parents. Il se met à tout filmer. Premier jour au collège, ses premières soirées avec les potes, première fois qu’il rencontre Emma, première cuite, premier petit vomi, premier joint, toutes les premières bêtises (ou non) y passent. « Samedi soir, tous sapés, tous assis devant la boite, et tous recalés ».

Près de 10 ans après Les Gamins, Anthony Marciano revient à la réalisation avec son pote Max Boublil devant (et derrière) la caméra et Alain Chabat qui soutient le projet. Le trio est là. Marciano filme Boublil en train de filmer toute la jeunesse de Max. Tout deux sont derrière la caméra, tout deux sont à l’écriture, et ils mettent toute leur nostalgie de grands adolescents dans leurs films respectifs. Cette jeunesse des premières fois qui ne peut qu’être toujours derrière nous.

Le dispositif cinématographique est terriblement efficace, on sait que c’est un film, mais les scènes sont tellement proches de nos souvenirs qu’elles apparaissent comme des réminiscences de notre propre passé. Quand on rit, celui qui filme rit avec nous, on est le spectateur de Max, qui est le spectateur de sa vie. On est gêné avec eux, on est triste avec lui. Max, c’est nous, nous tous, derrière tous les masques qu’on porte. Rarement on a pu croiser un personnage qui nous fait ressentir autant de choses sur nous-mêmes, qui nous rappelle autant de moments qu’on a vécus.

Car oui, Max vit sa vie dans une grande nostalgie, il est profondément nostalgique au présent. Il se voit toujours en train de faire, ils sont toujours deux dans sa tête, celui qui vit le moment présent et celui qui pense déjà au moment où il s’en souviendra. Tout comme nous, il s’observe en train de vivre et de regarder sa propre vie. C’est pourquoi on y croit à tous ces moments qu’en fait personne ne filmerait, c’est trop intime. Lui, aime ça, il en a besoin et s’en nourrit. Max se regarde vivre, qu’il ait une caméra ou non sur lui, il est toujours en train de s’observer. Lui, veut garder une trace pour plus tard, déjà nostalgique du présent, qu’il soit triste ou heureux.

Max n’est, en effet, jamais vraiment présent, jamais complètement là, toujours en train de se regarder, de blaguer, souvent pour fuir ses sentiments et la réalité. Depuis le premier jour, il est amoureux d’Emma interprétée par une Alice Isaaz, il faut le dire rayonnante de justesse et de beauté. Premier week-end entre potes, à Barcelone baby. Il l’embrasse, « ok, on vient de faire n’importe quoi, on dit rien aux autres sinon ils vont nous charrier », « ok… ». « Mec je te jure, je l’ai dit avant qu’elle me le dise » dit celui qui est trop timide pour avouer à son amour de jeunesse qu’il est amoureux d’elle depuis ses treize ans. Toujours la blague, la plaisanterie, mais cette fois, pas pour faire rire mais pour fuir. Si le film est aussi une romance qui ne réinvente pas le genre, son réalisme le rend malgré tout unique.

Play apparaît donc comme un film profondément générationnel et dépeint avec un niveau de justesse rare les déboires relationnels d’une génération qui tend bien trop souvent à fuir ce qu’elle ressent par l’humour. Les amours deviennent risibles. On retrouve un peu de Bref là-dedans, la série de Kyan Khojandi, où chaque épisode est drôle mais la série dans sa globalité est aussi triste. L’humour ici s’appuie sur les codes sociaux instinctifs des 15-30 ans et les dévoile devant nos yeux, drôle et triste à la fois.

« Action. Arnaud tu dois embrasser Mathias sur la bouche. Vérité vérité, nan nan mais j’avais dit vérité, c’est mort. Mais il est trop moche ! » 20 ans plus tard, les deux vieux amis, Max et Arnaud devenus pères maintenant, boivent de la vodka comme au bon vieux temps, des fraises tagada à la main. Au fond de la pièce, une animatrice joue Blanche-neige pour les 4 ans de Lou, la fille de Max. « Qu’est-ce qui est important dans la vodka-tagada ? Eh bah, c’est de pas mettre trop de fraises tagada, parce c’est pas bon ».

Play d’Anthony Marciano. Avec Max Boublil, Alice Isaaz, Noémie Lvovsky et Alain Papa Chabat.

MOWtt Damon

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